lundi 29 janvier 2007

LA TRISOMIE 21

Note de synthèse sur la trisomie 21
(Ch. Rouleaud, d'après une note de synthèse de Mme Guichard, enseignante spécialisée)

Qu’est-ce que la trisomie 21 ?

La trisomie est liée à la présence d’un chromosome supplémentaire sur la 21° paire qui entraîne au sein de la cellule une série de désordres somatiques et psychologiques : la déficience mentale n’est qu’un aspect plus ou moins prononcé. Il existe toute une symptomatologie supplémentaire qui comprend des anomalies du morphotype, un retard psychomoteur, des troubles du sommeil, des troubles métaboliques, du tonus musculaire, de la préhension, du langage et de la croissance.
On est ou non trisomique : c’est la loi du tout ou rien, mais cette loi n’exclut en rien les différences entre individus.
Chaque personne trisomique est unique ; il est aussi fondamentalement différent de nous, personnes « normales » .
Les différentes formes de trisomie 21 n’entraînent pas vraiment de différence au niveau éducatif.

A/ Conséquences de la trisomie sur le plan mental et intellectuel.

1/ Les possibilités d’abstraction (traitement de l’information)
L’enfant trisomique a un excès d’esprit d’analyse au détriment de l’esprit de synthèse.
( « Esprit en kaléidoscope » )
Il perçoit principalement certains éléments d’un objet : il lui manque la globalisation et la généralisation.

2/ Le mode de raisonnement.

Il est différent du nôtre, car, nous raisonnons de manière cartésienne.
Souvent, quand on pose une question à un enfant trisomique, celui-ci donne une réponse qui semble n’avoir aucun lien direct avec la question posée mais ceci n’est pas un non-sens : il scotomise les étapes du raisonnement.
L’enfant raisonne par évocation ou par analogie ce qui donne à la conversation un aspect décousu alors qu’en réalité un raisonnement logique existe.
Il convient de respecter ce mode de raisonnement en permettant à l’enfant d’acquérir un minimum de raisonnement cartésien nécessaire à la vie sociale.
3/ L’imagination.

Elle doit être cultivée pour une vie intérieure plus riche mais aussi afin d’accéder à la vie culturelle environnante.
Il s’agit de l’aider à discriminer les « situations jouées » des « réelles » et de l’amener à varier ses productions qu’il a tendance à répéter.

4/ Le temps de latence.

Le temps de réponse à une question d’un enfant trisomique est important ; ceci est inhérent à son handicap. Ce temps ne doit pas être confondu avec un non-savoir : il convient de ne pas le précipiter. Cette latence peut s’éduquer mais restera néanmoins présente.
(Facteurs possibles : brouillage synaptique, affectivité importante, difficultés d’adaptation aux formes de langage, déficiences motrices bucco-faciales.

5/ Le problème de la surprotection

Les parents ont le plus souvent une attitude de surprotection face à leur enfant. Celle-ci part d’un bon sentiment mais empêche souvent l’enfant d’évoluer, de s’intéresser et de s’intégrer.
Plus un enfant a de difficultés, plus l’intégration demandera des efforts importants : la Société ne faisant généralement pas de pas vers l’enfant, c’est à lui de le faire.
Cette éducation sociale doit commencer dès la petite enfance (présentation, habillage, hygiène, intégrité corporelle.
Il ne faut surtout pas le marginaliser en le surprotégeant ni le mettre en situation d’échec ; mais il faut lui apprendre à assumer les risques de la vie (courir et tomber ; se battre et prendre des coups ... ). Là est la clé d’une autonomie vraie.
L’enfant trisomique appartient souvent à une fratrie dans laquelle il doit être intégré ; il est donc soumis aux mêmes règles de vie.
Les frères et les sœurs ne sont ni les parents ni les éducateurs : il faut éviter que l’un d’eux prenne la fonction de répétiteur ou de défenseur.
Le diagnostic doit être expliqué à tous sans dramatisation ; si des problèmes surviennent il ne faut pas hésiter à avoir recours à une aide extérieure.
(Dans une famille avec un enfant trisomique, une vigilance accrue auprès des autres enfants est nécessaire)

6/ L’attitude en miroir.

L’enfant trisomique ne s’oppose pas à son entourage mais il trouve une apparente satisfaction à l’imiter :
ce mécanisme est dangereux, car insidieux et fait plaisir aux parents et est donc encouragé.
Cette attitude ne lui permet pas de se forger une personnalité structurée, individualisée : il reste à la phase d’identification (il pense, veut et aime comme ses parents (sa mère)).
Il est important de lui donner la possibilité de dire « Moi, je... ».

7/ La fatigabilité de l’enfant trisomique.

Cette fatigabilité existe mais les enfants trisomiques savent très bien l’exploiter.
Ils sont, par exemple, étonnamment résistants lors de promenades, de soirées festives, etc...

En séance de travail, la fatigabilité se manifeste de 2 façons :
sur le mode actif : instabilité, déconcentration
sur le mode passif : se referme sur lui-même, assoupissement.

Dans les 2 cas, un changement d’activité fait cesser cette fatigabilité.

8/ La labilité d’attention.

L’attention est labile et dispersée et ce d’autant plus qu’il est jeune.
Il est important de varier les modalités d’un même exercice.

9/ L’apathie.

Elle est très variable d’un enfant à l’autre mais souvent présente face à l’apprentissage.
Il convient de rester ferme face à l’enfant sur ce que l’on attend de lui tout en l’aidant à réussir.

10/ Le manque de confiance en soi.

Il peut provenir de la conscience qu’ils ont de leur handicap et/ou de la surprotection dont ils font l’objet.
Il faut leur montrer qu’ils sont « capables » . ( après un échec, un succès doit suivre immédiatement )
Il faut parfois passer par « l’épreuve de force » quand il y a refus de faire quelque-chose dont on est sûr de la réussite ; l’enfant doit pouvoir s’appuyer sur quelqu’un de fort, de certain. (C'est un test à ne pas manquer )

B Conséquences de la trisomie sur le langage.

Le langage est au cœur du problème de l’apprentissage ; l’intégration sociale dépend en grande partie de son évolution.
On peut classer les troubles en 3 catégories.

1/ Les troubles ordinaires

Les troubles articulatoires dus à :
morphologie buccale (implantation dentaire, lèvre inférieure hypotonique)
motricité bucco-faciale (hypotonie des joues, langue, lèvres ; déglutition infantile)
troubles articulatoires proprement dit (absence de constrictives : F S CH V Z J)

2/ Des particularités.

Les difficultés de structuration spatiale ( schéma corporel acquis vers 6 ans ; latéralité à 9 ans ; décalage entre compréhension et réalisation)

3/ Des spécificités.

Hypotonie linguale, timbre de voix
Temps de latence
Difficultés de synthétisation particulières et mode de raisonnement particulier (phrases agrammaticales, confusion genre/nombre, peu ou pas de conjugaison, accords difficiles, ...)
Difficultés d’adaptation aux situations nouvelles

C Les troubles musculaires

1/ Hypotonie musculaire

déficit ni constant ni global (rééducation nécessaire)

2/ Déficience de la main et trouble de la préhension

main potelée, petite, courte et large
geste involontaire et malhabile (nécessite une éducation spécifique et systématique)

3/ Les troubles de tonus musculaire, de tonus de l’action et de réflexe de rattrapage sont majorés par des troubles du psychisme.

Stress devant la difficulté (tétanie des muscles, ... )
appréhension de l’espace difficile

D Quelques problèmes médicaux
1/ Le risque d’obésité : le régime
2/ La cardiopathie ( 50% à la naissance )

Beaucoup de ces pathologies sont curables ( intervention avant 3 ans )
3/ Les rhino-pharyngites.

E Facteurs positifs d’appui pour l’apprentissage
1/ Le dynamisme affectif


L’importance de la relation affective est un facteur de progrès si elle est utilisée avec respect et discernement.

2/ L’appétence

L’enfant trisomique a une grande envie d’apprendre et de communiquer aux autres ce qu’il sait.
Il ne provoque pas les situations éducatives mais est heureux de les trouver, de les dépasser et de prouver à lui-même et aux autres qu’il a été capable de faire ce qu’on a demandé ( de plus, il demande à ce que cette situation agréable se renouvelle ) .

3/ L’opiniâtreté.

Dès qu'il a découvert qu’il était capable d’apprendre

4/ Le goût du jeu.

Il est important de le faire passer dans la phase de symbolisation et de représentation et être ferme sur l’obligation de cette forme d’apprentissage.

5/ Le goût de la compétition.

Il faut aussi lui apprendre que perdre, n’est pas dramatique et qu’on ne peut pas gagner tout le temps.
Utilisé à bon escient, cet esprit peut être un bon stimulant.

6/ La facilité à acquérir des automatismes.

À manier avec une extrême modération, car le risque est grand d’un apprentissage par répétition sans intériorisation.
Ne pas créer de situations où les exigences sont trop lourdes ce qui peut entraîner des troubles du comportement.

F Les apprentissages
1/ La lecture


Il n’est pas nécessaire d’attendre que tous les prérequis nécessaires à l’apprentissage de la lecture soient en place pour commencer à apprendre à lire à l’enfant trisomique sinon, on risque de ne jamais commencer.
Il vaut mieux susciter le goût, le désir et le besoin de lire.
Chaque stratégie de lecture doit être travaillée et pas seulement celle de « l’utile » .
Il n’est pas sensé d’imposer la lecture silencieuse compte tenu des difficultés d’abstraction déjà citées, car la lecture à voix haute est pour lui une façon de se dire le texte pour mieux s’en imprégner et se donner le temps de le comprendre.
La lecture est un excellent support du langage qui s’enrichit et s’imprègne des composants et structures complets de la phrase.
Il y a un blocage avec les majuscules qui focalisent toute leur attention. Le plus simple est de les éviter et d’aller à la ligne à chaque fin de phrase en gommant le point.

2/ Les mathématiques

Avec les jeux éducatifs et les exercices didactiques.
Dans les jeux, il est important de minimiser les facteurs moteurs
La rigueur est impérative
Tout doit être vérifié et réappris
La progression ressemble à celle de l’Ecole Maternelle en étant plus fine et plus rigoureuse, car on ne peut pas compter, ici, sur l’auto-apprentissage de l’enfant
La manipulation : l’intelligence doit pouvoir s’exercer sans l’utilisation de l’outil graphique.
L’abstraction qui permet la transposition de l’apprentissage est indispensable
L’accompagnement parlé par l’adulte favorise la mentalisation du geste
Les échanges lors des exercices sont très riches
Donner priorité à l’exercice et non à la réussite
Procéder par tâtonnement dirigé
Supprimer un jeu pour ne pas laisser s’installer des automatismes
Faire fonctionner les enfants dans des activités supérieures ( ZPD ) .
La réalisation doit être conforme avec la consigne demandée
Diversifier au maximum les types d’activités
Rendre l’enfant critique par rapport à l’adulte et par rapport à lui-même.
Quelques jeux utilisés :
jeux de cartes (traditionnel, chiffres, constellations, symboles, images, ... )
dominos (couleurs, constellations, chiffres, formes, ... )
jeux de formes (grandeurs, couleurs, tableaux, ... )
les cubes (alignements, positionnements, reproductions, ... )
baguettes et bâtons de différentes couleurs, grandeurs et grosseurs.
encastrements, puzzles
etc, ...

3/ L’éveil

Instruction civique : règle de vie de l’école, de la classe, se présenter, situer sa famille, son environnement, donner ses préférences, ses goûts personnels, ...
Histoire : reconstitution de sa propre vie depuis la naissance, connaissance de la famille
Sciences : observation réelle et imagée d’animaux (catégorisation), l’alimentation (le régime, les saveurs, ...) , plantation de graine (vie, mort, maladie, soin, ...) .

4/ Le graphisme et l’écriture

C’est un apprentissage essentiel qui pose le plus de difficultés (avec la numération).
Voir les exercices d’entraînement du livre « Pour un apprentissage structuré de l’écriture » d' Octor et Kaczmarek.
L’accès à l’écriture cursive est rare, il est plus raisonnable de travailler en script
L’écriture guidée est une phase importante (repasser sur un tracé peu visible)
Ecrire sur les lignes, respecter les grandeurs, l’espace entre les mots est difficile à respecter.

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