MEMOIRE PRESENTE EN VUE DE L’OBTENTION DU DEES
IRTS DE LORRAINE
SITE DU BAN SAINT MARTIN
SESSION JUIN 2007
INTRODUCTION :
Je travaille à la Maison du Pré St Charles, c’est un Foyer Occupationnel (F.O) géré par l’AEIM. L’AEIM (…) est une association de parents qui a créé en Meurthe et Moselle des établissements accueillant des enfants, des adolescents et des adultes en situation de handicap mental. J’y exerce la fonction d’AMP depuis 2001, auparavant je travaillais en foyer d’hébergement pour travailleur en ESAT.
Le F.O accueille des personnes qui possèdent une autonomie suffisante pour ne pas être orientées vers la MAS (…), mais qui ne peuvent pas entrer en structure de travail protégé car déclarées « inapte au travail » par la CDA. Sa mission est d’offrir des services d’adaptation et d’intégration sociale aux personnes accueillies.
En octobre 2005, l’établissement s’est doté d’un foyer d’hébergement pour accueillir 21 de ses 39 usagers. L’ouverture de ce foyer a entraîné une réorganisation de la structure d’accueil de jour (changement des groupes, de salle, différents éducateurs interviennent dans la journée). L’entrée des résidants s’est effectuée de façon brutale dans leur vie : après quelques visites dans des locaux vides leur emménagement s'est effectué dans leur nouveau lieu de vie.
Mon rôle et de les accompagner dans tous les actes de la vie quotidienne et de leur proposer des activités visant l'apprentissage ou le maintien de leurs acquis et de leur participation (loisirs…) en tenant compte de leurs goûts et préférences, âge et sexe afin de tendre vers plus d'autonomie.
L'entrée au foyer d'hébergement constitue pour de nombreux résidants la 1ère séparation d'avec leurs parents. De plus, le placement émane d'une décision de leur parents, pour diverses raisons et non d'un chois de vie personnel.
Par mon travail d'accompagnement du quotidien, j'ai pu constater que les résidants ont été perturbés dans la structure d'accueil de jour. Ils ont du mal à investir leur nouveau lieu de vie. Enfin ils souffrent de la séparation d'avec leurs parents. Les manifestations sont diverses et variées.
Je me suis demandée comment, en tant qu'ES, favoriser l'adaptation des personnes en situation de handicap mental lors d'un placement en FO.
Dans mon mémoire je vais présenter le public accueilli, dans sa spécificité et le contexte institutionnel dans lequel il évolue. Ensuite j'étudierai le placement, les conditions dans lesquelles il s'est effectué jusqu'à nos jours pour absorber le placement en FO de manière plus précise. Et comme il entraîne la séparation, je définirai cette notion et plus particulièrement le concept d'attachement. Dans la dernière partie je pourrai illustrer la posture professionnelle que j'ai adopter en m'appuyant sur le projet d'action éducative, projet que j'ai mis en œuvre avec et pour les résidants en collaboration avec l'équipe éducative.
Dans cette première partie, je vais présenter l’institution dans laquelle je travaille, son cadre et le public qu’elle accueille, ainsi que sa problématique et les constats que j’ai pu établir.
Je travaille à la Maison du Pré St Charles, c’est un foyer occupationnel (F.O) qui accueille des personnes en situation de handicap mental. Elles possèdent une autonomie suffisante pour ne pas être orientées en M.A.S (Maison d’Accueil Spécialisée) mais elles ne peuvent pas entrer en ESAT (Etablissement et Service d’Aide au Travail) car incapables de travailler de manière continue.
Créé en septembre 1994, date à laquelle le F.O accueillait 8 personnes, il a été délocalisé en novembre 1999 sur le site d’Haucourt St Charles, situé à 6 kilomètres de Longwy. Sa capacité d’accueil est actuellement de 39 usagers. De plus, en octobre 2005, un foyer d’hébergement destiné à 21 usagers a ouvert afin de répondre aux demandes des parents.
1- La population accueillie :
► Caractéristiques et spécificités :
Les personnes accueillies à la Maison du Pré St Charles sont en situation de handicap ; elles présentent toutes, une déficience mentale.
qu’est-ce que le handicap ?
« Le handicap apparaît dans l’interaction entre la déficience, la limitation fonctionnelle et une société qui produit des barrières empêchant l’intégration » (Définition du Forum des Associations des Personnes Handicapées).
Elles présentent toutes une déficience mentale profonde ou moyenne, c’est par définition : « une insuffisance ou un retard dans le développement intellectuel, qui se manifeste par une incapacité plus ou moins importante à s’adapter aux exigences du milieu. Le déficit intellectuel va de pair avec un certain déficit social qui peut se traduire entre autres par de l’égocentrisme, de la rigidité ou de la susceptibilité et une certaine difficulté à s’adapter à des situations nouvelles » (Définition du Dictionnaire des Sciences Humaines).
La situation de handicap stigmatise la personne.
Dans la majorité des cas, d’autres troubles s’ajoutent à cette déficience :
- Certaines d’entre elles souffrent de troubles autistiques : ces personnes présentent des troubles du comportement plus ou moins apparents et intenses, plus ou moins gênant pour la socialisation, pour l’équilibre familial.
L’autisme se traduit par un isolement extrême et un détachement de la réalité, ils peuvent se manifester par :
→ un retrait et des troubles de la communication : Ils sont indifférents aux caresses et aux sourires de leurs parents qui se trouvent très désemparés. Ils se comportent en étrangers dans notre monde environnant, ils se replient sur eux-mêmes en manipulant un petit objet. Ils ne prennent pas d’initiatives, ils semblent paresseux car ils attendent qu’on leur dise les choses.
→ des relations bizarres à l’environnement : Ils aiment les routines et répètent les mêmes gestes inlassablement (stéréotypies). Ils ne possèdent que très rarement le langage. Le mutisme peut-être absolu. Lorsque le langage apparaît, il n’a pas pour autant fonction de communication. Ils réagissent bizarrement aux stimulis sensoriels. Ils ont une mémoire visuelle fabuleuse et une fascination pour la lumière ou les objets brillants.
→ des comportements perturbés : Ils peuvent être agressifs (automutilation). Ils font parfois des colères, des mouvements d’angoisse et de panique.
→ des troubles des fonctions instinctives : Ils ont des troubles alimentaires. Ils ne mâchent pas, ne croquent pas et présentent parfois de l’anorexie. Ils ont des troubles du sommeil, les parents s’en plaignent souvent. Ils peuvent avoir des difficultés pour acquérir la propreté et l’hygiène corporelle.
D’autres usagers sont atteints de Trisomie 21, ce handicap a longtemps été connu sous le nom de « Mongolisme » du syndrome de Langdown du nom du médecin anglais qui en fit la description en 1866).
Actuellement, la Trisomie est une maladie génétique mieux connue ; l’enfant trisomique est généralement porteur d’un chromosome supplémentaire situé sur la 21ème paire (d’où le nom de trisomie 21). La présence de ce chromosome surnuméraire au sein de la cellule entraîne dès l’instant même de la conception toute une série de troubles dont l’ensemble confère à l’enfant trisomique sa spécificité dont la déficience mentale n’est qu’un aspect. La symptomatologie particulière de la trisomie entraîne des perturbations dans différents domaines :
→ Au niveau organique :
- Le morphotype ;
- La statique musculaire ;
- L’ensemble des phénomènes biochimiques et nutritionnels ;
- Le rythme du sommeil ;
- Des particularités hématologiques et respiratoires ;
- Des troubles de la croissance, parfois des troubles hormonaux ;
- Au niveau psychomoteur, un développement particulier où l’on note un retard global, avec une distorsion particulièrement significative entre les possibilités de compréhension et celles beaucoup plus touchées d’expression et ce dans tous les domaines.
De plus, un trouble qui touche gravement les réflexes neurologiques archaïques alors que les sphères hautes sont beaucoup moins touchées.
- Souvent, viennent s’ajouter des problèmes de surcharge pondérale.
→ Au niveau éducatif :
- La présence de potentialités existantes chez l’enfant mais incapables de se développer en l’absence de stimulations particulières ;
- Esprit en « kaléidoscope », un mode de raisonnement extrêmement complexe, différent du notre, un temps de latence qu’il ne faut pas confondre avec un non savoir mais avec un temps d’arrêt précédant la réaction.
→ Au niveau comportemental :
- Manque de confiance en soi ;
- Conscience du handicap ;
- Fragilité « caractérielle »,
- Affectivité particulière
Au foyer, presque tous les usagers sont atteints de troubles associés (ce sont des troubles qui viennent s’ajouter à la déficience mentale). Ils peuvent être divers et variés :
- La surdité ;
- La malvoyance ;
- Le diabète ;
- L’épilepsie ;
- Les problèmes de comportement.
Il ressort donc que le public accueilli au F.O est très hétérogène et a eu des cursus de vie différents ; prise en charge en IME (Institut Médico-Educatif), des séjours plus ou moins longs en ESAT mais ils ont tous été déclarés « inaptes au travail » pour diverses raisons.
2- Les conditions d’admission :
C’est la Maison Départementale des Personnes Handicapées (créée par la loi du 11 février 2005) par l’intermédiaire de la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées qui se prononce sur l’orientation professionnelle des personnes en situation de handicap et les oriente en F.O si elle les a jugées « inapte au travail ». Les raisons sont diverses :
- Incapacité au travail ;
- Problèmes médicaux importants (épilepsie grave) ;
- Motivation inexistante ;
- Problèmes importants de concentration ;
- Refus de travailler ;
- Impossibilité à s’adapter dans une équipe de travail ;
- Autisme ;
- Problèmes de comportement graves…..
A la Maison du Pré St Charles, les usagers sont accueillis pour une durée de 1,2,3 ou 5 ans renouvelable. L’accueil est possible pour des personnes de 20 à 60 ans.
3- La mission de l’établissement :
La Maison du Pré St Charles a pour mission d’offrir des prestations d’hébergement, de soutien, d’accompagnement humain permanent (et évolutif), en vue de la meilleure intégration sociale possible, à des personnes qui en raison de leur déficience mentale requièrent de telles prestations. Cette mission se caractérise par des prestations spécifiques :
- La prestation d’activités de jour : Elle est conçue et organisée selon les intérêts et les préférences d’une part et les besoins d’autre part (évalués lors du recueil de données au profit de l’élaboration du plan de soutien individualisé).
- La prestation d’hébergement :
→ Prestation hôtelière (restauration, entretien du linge, entretien des locaux privatifs et collectifs).
→ Aide et /ou maintien à l’autonomie dans la gestion des actes de la vie personnelle quotidienne ;
→ Accès aux services de santé, généraux et spécialisés ;
→ Accès aux loisir et à la culture ;
→ Aide au maintien des liens avec l’environnement familial et social élargi.
- La prestation d’aide aux parents :
→ Aide au maintien des liens (avec la fille ou le fils hébergé).
4- Le projet d’établissement :
Même si le projet d’établissement n’est pas encore rédigé, l’équipe y a travaillé et les objectifs généraux ont déjà été fixés. Ils visent une qualité du style de vie qui se caractérise par :
- l’intégration physique du résidant dans un environnement donné lui permettant d’accéder aux mêmes lieux que tout citoyen ordinaire ;
- l’intégration sociale, inscrivant chaque usager dans un lien social devant lui permettre d’étendre son réseau d’amis et de connaissances au-delà du milieu spécialisé ;
- la fréquence et la diversité des activités de l’usager ;
- le faire tendre vers une plus grande autonomie
- l’expression de ses goûts et préférences.
5- Cadre juridique et législatif :
Le F.O dépend de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’Action Sociale et Médico-Sociale. Ses principes : « Article L 116-1. L’Action Sociale et Médico-Sociale tend à promouvoir, dans un ordre interministériel, l’autonomie et la protection des personnes, la cohésion sociale, l’exercice de la citoyenneté, à prévenir les exclusions et à en corriger les effets. Elle repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de tous les groupes sociaux, en particulier des personnes handicapées et des personnes âgées, des personnes et des familles vulnérables, en situation de précarité ou de pauvreté, et sur la mise à leur disposition de prestation en espèces ou en nature. Elle est mise en œuvre par l’état, les collectivité territoriales et leurs établissements publics, les organismes de Sécurité Sociale, les associations ainsi que les institutions Sociales et Médico-Sociales ».
Un des apports essentiels de cette loi est l’affirmation du droit des usagers. L’affirmation de ce droit s’appuie sur la revalorisation du concept de citoyenneté et par un regard nouveau porté sur les publics fragilisés. La loi prévoit la mise en œuvre d’un certain nombre d’outils garants de ces droits.
- Un outil éthique : La charte des droits et libertés de la personne accueillie :
Elle énonce les droits et libertés de l’usager en vue de garantir à celui-ci le plein usage de son pouvoir de citoyen. Elle porte sur 12 points jugés comme essentiels à la reconnaissance de l’usager citoyen :
1- Principe de non-discrimination ;
2- Droit à une prise en charge ou à un accompagnement adapté ;
3- Droit à l’information ;
4- Principe du libre choix et du consentement éclairé ;
5- Droit à renoncer ;
6- Droit au respect des liens familiaux ;
7- Droit à la protection ;
8- Droit à l’autonomie ;
9- Principe de prévention et de soutien ;
10- Droit à l’exercice des droits civiques ;
11- Droit à la pratique religieuse ;
12- Respect de la dignité, de l’intégrité et de l’intimité.
- Des outils fonctionnels :
→ Le projet d’Etablissement : Il précise les modalités d’organisation et de fonctionnement de la structure. Il met en cohérence et en compatibilité les divers projets pouvant exister au sein de l’établissement (projet individualisé, projet pédagogique…). Il est le lien de cohérence entre ces projets et l’acte quotidien ; animation, aide à la vie quotidienne, prestation de service. Il a donné un sens aux actions à entreprendre en donnant des orientations à moyen et à long terme.
→ Le livret d’accueil : Il assure une présentation de la structure en établissant un état précis des lieux et un inventaire rigoureux des prestations, accompagnements et interventions délivrées permettant à l’usager de disposer d’une information objective sur la gamme des services mis à sa disposition.
→ Le contrat de séjour : Il définit les objectifs et la nature de la prise en charge ou de l’accompagnement de l’usager en lien avec les principes philosophiques de l’établissement. Il manifeste la capacité à s’engager des bénéficiaires et la reconnaissance de leur dignité de citoyens acteurs et non assistés.
A l’établissement, y est annexé le projet individualisé de chaque usager.
→ Le règlement de fonctionnement : C’est un outil permettant la connaissance de l’organisation de l’institution et la définition des droits et des devoirs de l’usager citoyen.
- Des outils de régulation :
→ La personne qualifiée ;
→ Le conseil de la vie sociale.
A l’établissement, tous ces outils sont déjà mis en place ou en cours d’élaboration.
6- Budget – prix de journée :
La Maison du Pré St Charles est un établissement privé financé par des fonds publics. Chaque année, le directeur du foyer prépare et propose un budget prévisionnel au Service Départemental des Affaires Sanitaires et Sociales (SDASS).
Le F.O ne fait appel qu’à un seul financeur sous la forme d’un prix de journée qui est de l’ordre de 141,55 € en F.O de jour et 171 € en F.O avec hébergement accordé par le Conseil Général de Meurthe et Moselle.
Les revenus des personnes accueillies sont constitués par l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) et la prestation de compensation. « D’une façon générale, la personne hébergée qui n’a d’autres revenus que ceux qui lui sont réglementairement attribués, ne peut vivre dignement avec l’argent dont elle dispose une fois les prélèvement obligatoires opérés. De ce point de vue, la vigilance s’impose et ne devra jamais faire défaut.
En ce qui concerne les personnes handicapées qui n’exercent aucune activité de production et qui sont prises en charge à temps complet dans des structures occupationnelles, la situation est problématique. L’esprit du Décret du 31 décembre 1977 prévoit d’une part une participation des personnes handicapées aux frais d’hébergement et d’autre part un minimum de ressources (10 % de l’AAH) laissées aux personnes bénéficiant de l’Aide Sociale. Or, en refusant d’intégrer dans le calcul toutes les charges incontournables (assurance responsabilité civile et habitation, mutuelle complémentaire…) des personnes n’ayant d’autre ressource que l’AAH, le minimum fixé en application du -1° du troisième alinéa de l’article 168 du code de la famille n’est pas respecté. Dans l’attente d’une application différente du décret, les familles apportent sur leurs deniers propres, le complément nécessaire à une vie décente ». (Cf. Projet Associatif de l’AEIM).
A l’établissement, de nombreux résidants n’ont plus leurs parents pour leur apporter un soutien financier.
7- Fonctionnement – Organisation :
Afin d’accueillir les 39 usagers, il a fallut constituer des groupes tout en individualisant au maximum la prise en charge.
Depuis novembre 2003, date à laquelle l’effectif de l’établissement était passé à 39 usagers, ils étaient répartis dans 5 groupes constitués selon leur degré d’autonomie mais en tenant compte également de leurs capacités à « cohabiter » tout au long de la journée.
Depuis l’ouverture du Foyer d’hébergement en octobre 2005, la prise en charge des usagers a été organisée comme suit :
- 2 groupes d’externes (2 X 9 personnes), accueillis de 9h30 et 16h30 du lundi au vendredi, pris en charge par une éducatrice, référente de groupe ;
- 2 groupes d’internes (10 et 11 personnes).
Ces groupes ne tiennent pas compte du degré d’autonomie ni des capacités des personnes mais de leur régime au sein de l’établissement (externe ou interne). Ils sont également très hétérogènes. Les groupes sont pris en charge par une éducatrice, voire 2 à certains moments de la semaine ! Ce qui exclue toute activité à l’extérieur de la structure.
L’équipe éducative a vu ses horaires modifiés de 9h00 à 17h00 du lundi au vendredi en horaire d’hébergement (7h00-14h30 ou 14h-22h ou encore 9h-17h) pour assurer une prise en charge 7/7 jours tout au long de l’année avec seulement 3 postes supplémentaires !
Ce choix d’avoir créé des groupes distincts pour les internes et pour les externes a été dicté par une volonté de ne pas faire subir aux externes le changement d’équipe à 14h00 puisque 2 éducatrices avaient vu leurs horaires de 9h à 17h maintenus. Elles pouvaient donc assurer une continuité dans la prise en charge tout au long de la journée et de la semaine.
Au foyer d’hébergement, la prise en charge est assurée par 3 éducatrices pour les 21 résidants pour les levers, les soirées et les week-end. La surveillance de nuit est assurée par une surveillante de nuit qui travaille seule dans l’établissement.
8- Mes constats :
Comme je l’ai déjà dit en préambule le F.O s’est doté depuis un peu plus d’un an d’un foyer d’hébergement. Aussi, ces adultes ont quitté leur famille, pour la première fois pour certains.
Pendant la construction du foyer et au fur et à mesure que les travaux avançaient, j’expliquais alors aux futurs résidants du groupe que ce serait leur nouveau lieu de vie. Dès que cela a été possible, je les emmenais visiter le nouvel établissement, la salle à manger, les chambres…Ils m’accompagnaient avec plus ou moins de réticence. Mais quelle compréhension de ce changement radical de leur vie avaient-ils à ce moment là ?
Aujourd’hui, après 1 an de fonctionnement, je peux faire des constats :
- Les résidants ont été perturbés dans la structure d’accueil de jour, du fait de la réorganisation. Les groupes ont été modifiés, différents éducateurs interviennent selon les moments de la journée (7h-14h30 ou 14h-22h00), alors qu’auparavant un éducateur était référent du groupe et il assurait la prise en charge tout au long de la journée et pendant toute la semaine.
- La réorganisation des groupes a également entraîné des changements de salles pour les adultes pour les activités de jour avec toutes les conséquences que cela peut engendrer sur la perte des repères au niveau de l’espace.
- Les résidants ont emménagé dans un milieu de vie nouveau, inconnu qu’ils ont beaucoup de difficultés à investir.
- Ils souffrent de la séparation d’avec leurs parents. Et j’insiste sur le fait que pour certains, c’était la première fois qu’ils quittaient leur famille. De plus, leur placement émane d’une décision de leurs parents, et non pas d’un choix de vie personnel.
Les manifestations de leur mal être sont diverses, quelque soit le rythme de retour en famille :
- Refus de participer aux activités ;
- Larmes, pleurs, cris, angoisses ;
- Violence, agressivité envers les autres résidants et envers le personnel ;
- Les maux : tête, gorge, ventre…
J’ai également constaté que les résidants qui souffrent de la séparation d’avec leurs parents n’investissent pas du tout leur nouveau lieu de vie. Ils sont dans la demande de la présence constante de l’éducateur auprès d’eux. Durant les week-ends et les vacances, les résidants peuvent retourner en famille. Ce sont leurs parents qui dans un premier temps ont décidé de la fréquence et de la durée. Ainsi, j’ai pu constater qu’une partie des résidants rentraient régulièrement tous les week-ends en famille, d’autres tous les 15 jours, certains rarement et enfin des résidents ne quittent jamais l’établissement.
Ensuite, après qu’un premier bilan financier de l’établissement ait été réalisé, la direction a demandé aux parents de ne pas reprendre leur adulte plus d’un certain nombre de nuitées sur l’année (44 nuitées). En effet, la structure fonctionnant avec un budget alloué sous la forme d’un prix de journée, elle ne le perçoit pas chaque fois que le résidant n’y passe pas la nuit. Si bien que les personnes qui rentraient tous les week-ends dans leur famille, n’y retournent plus que tous les 15 jours. Cette contrainte budgétaire a été présentée aux parents lors de la signature du contrat de séjour, et, elle n’a fait qu’accentuer les effets de la souffrance dus à la séparation tant du coté des résidants que de celui des parents. Ils ne se sont plus sentis « libres » de reprendre leur adulte comme ils le souhaitaient. Ils vivent cela comme une main mise de l’institution sur leur enfant, se l’accaparant. J’en ai discuté avec certains et je leur ai proposé de venir chercher leur adulte le samedi ou le dimanche pour la journée, seulement. Mais ils ont refusé en évoquant qu’ils avaient déjà des difficultés à le ramener au foyer le dimanche soir car il ne voulait pas rentrer et que par conséquent sur une journée le retour serait encore plus problématique.
Tous ces constats prouvent qu’un problème d’adaptation lié à la séparation perturbe les résidants. Dès lors, je me suis demandée comment, en tant qu'éducatrice - spécialisée, favoriser la séparation pour des personnes en situation de handicap mental lors d’un placement en F.O ?
La 2ème partie de mon mémoire expliquera ce qu’est le placement, j’en ferai un historique pour ensuite traiter du placement en F.O et des moyens qui ont été mis en place.
2ème PARTIE : LE PLACEMENT
1) Définition :
Le Dictionnaire Larousse (2005) définit le placement, en droit, comme « la décision d’un juge confiant un mineur en danger à une famille d’accueil ou à un organisme spécialisé ». Pour le même ouvrage, « placer » signifie « mettre à une certaine place, à un endroit déterminé ».
Le Dictionnaire Larousse de Psychologie définit le placement familial spécialisé comme « mode d’intervention sociale qui tend à soulager partiellement les parents d’un enfant handicapé (tout en aidant ce dernier) en le confiant à une assistante maternelle agréée.
Les soins que nécessite un infirme constituent une charge que peu de personnes sont en état d’assumer. La plupart souhaitent le placement de leur enfant handicapé dans un institut médico-pédagogique, mais ces établissements sont rares et il est utile de recourir à d’autres structures d’accueil (…).
Le Petit Robert définit le placement, au sens médical : « placement d’enfant dans un établissement sanitaire ou social, placement d’un malade mental dans un service psychiatrique → Internement – placement libre, volontaire ; d’office ».
Aucune de ces définitions ne correspond tout à fait au placement en F.O, même si elles en abordent certains points.
2) Historique du placement :
Après avoir définit le placement, j'ai voulu savoir à quand remontait cette pratique et dans quelles conditions il s'effectuait. C'est en consultant Le Placement familial, de la pratique à la théorie de Myriam David psychiatre pour enfant (1917-2004), que j’ai pu en retracer l’historique. Ses recherches et ses observations sur l’enfant ont profondément modifié la manière de concevoir l’interaction mère – enfant, le développement affectif de ce dernier ainsi que les soins apportés par certaines institutions comme l’Assistance Publique ou les crèches.
Externe des hôpitaux de l’Assistance Publique, résistante durant le 2ème guerre mondiale, Myriam David est déportée à Auschwitz. Son expérience concentrationnaire sera essentielle dans ses recherches. Elle retrouvera cette détresse chez les enfants de l’Assistance Publique dont elle s’occupera.
En 1962, soutenue par John Bowlby, elle mène une recherche sur les placements d’enfant en nourrice ou en institution qui va confirmer d’une façon alarmante, l’importance numérique des placements d’enfant, la gravité de leurs conséquences et l’ignorance généralisée de ces problèmes. Selon elle la société a toujours rencontré des difficultés quand il a fallut se substituer aux parents pour élever leurs enfants. Elle insiste sur la gravité des risques que courent les enfants privés de relation parentale stable. De plus, elle ajoute que les enfants abandonnés et maltraité placés :
- Ont un taux de morbidité supérieur à la moyenne, des signes fréquents de psychopathologie mentale et sociale au cours de leur enfance et de l’âge adulte.
- Tous les systèmes de recueil mis en place ont produit des carences, des abus, des rejets et des mauvais traitements, quelques soient les tentatives des professionnels qui se sont attelés à ce problème.
Myriam David distingue schématiquement 4 étapes :
1- Pendant des siècles, la priorité est de recueillir les enfants abandonnés, les protéger contre l’infanticide et de surveiller les nourrices afin de protéger les enfants qu’elles avaient en garde contre l’exploitation et les mauvais traitements.
2- Fin 18ème jusqu’au 20ème siècle, naissance d’une politique « nationale » d’assistance à l’enfance « en danger » sous forme de placement pour les enfants abandonnés, mais aussi pour ceux des milieux défavorisés qui pourra même être imposé contre la volonté de leurs parents s’ils les mettent en danger.
3- Depuis le milieu du 20ème siècle, la politique en plein essor du placement est remise en cause car une prise de conscience de ses dangers est apparue.
4- Des temps modernes à nos jours : volonté de compléter l’accueil par des mesures thérapeutiques.
1ère Etape :
A) Recueil des enfants et 1ère mesures de surveillance :
Depuis l’Antiquité, l’infanticide était un droit des parents et de l’Etat ; cette attitude fut adoptée pour les enfants indésirables. Dès lors que l’infanticide fut reconnu comme un crime, soit il fut dissimulé, soit encore pratiqué mais cela favorisa l’exposition de ces enfants.
La grande majorité d’entre eux mourut en bas âge, d’autres furent vendus et asservis, certains s’adonnèrent au brigandage et finirent dans les geôles et galères de l’époque. Une infime partie fut recueillie et adoptée.
L’ère chrétienne apporta de la compassion envers les enfants abandonnés. Dès les IV et Vème siècles les premiers établissement destinés à les recueillir ouvrirent.
Au XVI ème siècle, François 1er favorisa la multiplication de ces établissements. C’est uniquement la charité publique qui finance ces établissements. Mais l’extrême misère de l’époque, la famine, les épidémies, le fort taux de mortalité des femmes en couches font que le nombre des enfants abandonnés augmente.
En 1536, Marguerite de Valois fonde les « Enfants de Dieu » ou « Enfants Rouges » (du nom de la couleur de leurs vêtements). Ces enfants rassemblés dans cet établissement sont pris en charge par des nourrices qui les allaitent avec leur propre enfant contre un faible pécule. C’est la naissance des 1ères pratiques nourricières rémunérées. Ensuite, on facilite l’entrée de ces enfants dans des corporations après qu’ils aient effectué un apprentissage. Mais bien sur, les enfants fuguent et vivent de mendicité.
Plus tard, c’est St Vincent de Paul (1581-1660), qui va tenter de mettre en place le 1er programme d’assistance. Ainsi au 16ème et 17ème siècle, les efforts se multiplient et s’étendent aux enfants illégitimes et à leurs mères. En effet, ils étaient encore l’objet d’une réelle persécution et ils ne bénéficiaient pas des possibilités offertes aux enfants trouvés. St Vincent de Paul va organiser tout un système d’aide. C’est le 1er programme d’assistance qui sera appliqué plus tard par l’Assistance Publique. Son programme se décompose en différentes mesures :
- des campagnes pour dénoncer et condamner les préjugés et la cruauté à l’égard des mères et des enfants illégitimes.
- Prévenir l’exposition des enfants et l’infanticide en facilitant la remise de ces enfants dans des lieux autorisés où ils sont assurés d’être recueillis et soignés.
- Lutter contre le taux de mortalité en recrutant des nourrices comme Marguerite de Valois, qui allaitent les enfants et les emmènent ensuite avec elles à la campagne. Il s’agit là d’un véritable placement nourricier. Les nourrices sont salariées, elles sont chargées de surveiller et d’élever l’enfant.
- Regrouper plus tard les enfants pour les mettre en apprentissage.
Après avoir été dénigrées, ses idées remportent un grand succès. Mais le placement des enfants produit un véritable trafic. Certains parents nourriciers les exploitent et les font travailler pour leur compte et leur faire gagner de l’argent. Ensuite, certaines nourrices trop pauvres, les abandonnent à nouveau. Afin de protéger les enfants, de nouvelles mesures législatives et réglementaires sont adoptées au début du 18ème siècle. Elles seront reprises beaucoup plus tard, au début de ce siècle par la loi de Protection Maternelle et Infantile (PMI). L’une d’elles étant de réglementer les salaires des nourrices, les conditions d’hygiène dans lesquelles elles accueillent les enfants, et leur nombre. Ces règles cherchent à concilier l’intérêt de l’enfant et celui des nourrices.
Mais les différences persistent, les enfants fuguent et montrent des signes d’inadaptation. Ils sont alors repris dans des ateliers d’apprentissage mais les enfants même sains et robustes se montrent peu aptes à l’entrée dans le monde du travail. Malgré tous ces efforts, et si la survie d’un plus grand nombre d’enfant semble assurée, les risques d’abus, de mauvais traitement et des difficultés d’intégration sociale persistent.
2ème Etape : développement d’une politique de placement :
(fin 18ème siècle jusqu’au milieu du 20ème siècle)
Au 19ème siècle avec la naissance des idées démocratiques, un changement profond des mentalités à l’égard des enfants malheureux et exploités va se développer ; les faire bénéficier des droits et avantages sociaux, sanitaires et éducatifs dont jouissent les autres enfants devient une « obligation nationale » et non plus le seul fruit de la charité. Ainsi une politique de placement va se construire.
1) Naissance de l’Assistance Publique :
Les enfants abandonnés ou orphelins deviennent des « pupilles » dont la tutelle est assurée par un service créé à cet effet. Dans chaque département un service d’assistance publique est mis en place. Les enfants peuvent être déposés ouvertement par leurs parents au « Dépôt » (c’est un service d’accueil d’urgence).
Des Directeurs d’agence sont chargés de recruter des nourrices, d’y placer les enfants, veiller à ce qu’ils soient bien traités, soignés, scolarisés et préparés à un métier.
Des inspecteurs rattachés à l’administration centrale assurent la surveillance du mouvement des enfants à distance et sur dossier. Ils sont responsables de toutes les décisions importantes pour chaque enfant.
2) Placements sanitaires et sociaux :
Les découvertes de Pasteur (maladies infectieuses et leurs causes, prophylaxie…) amènent une action sanitaire intensive au profit de la petite enfance. Celle-ci est menacée par un taux de mortalité et de morbidité invalidante extrêmement élevée qui frappe plus particulièrement les milieux les plus pauvres. C’est également la naissance et le développement de la pédiatrie et de la puériculture, des services de PMI, de la médecine scolaire.
Une campagne de prévention est établie pour lutter contre les fléaux de l’époque ; maladies vénériennes, tuberculose, rachitisme. C’est le début des vaccinations obligatoires, du dépistage précoce systématique des parents malades et de leur isolement et du placement de leurs enfants à la campagne.
3) Placements conseillés, imposés et retrait d’enfant :
Ainsi le début du siècle amène une nouvelle pratique → « le placement d’enfant ayant des parents ».
Ce mot devient « un moyen de prévention et d’aide médico-sociale privilégié de sauver les enfants de la maladie et de la mort, mais aussi de les sortir de la misère, de les faire bénéficier d’un environnement social et éducatif de qualité, de leur assurer un meilleur avenir ».
« La société se donne un droit de regard et partage avec les parents la responsabilité de l’enfant ».
Le placement devient imposé aux parents. C’est la naissance du concept d’enfant « en danger », du placement judiciaire, des mesures de déchéance et de retrait des droits de garde. Si bien que l’Assistance Publique a de plus en plus d'enfants à prendre en charge :
► les pupilles, les enfants orphelins ou abandonnés et 2 nouvelles catégories :
- Les « recueillis temporaires » et les « enfants secourus » qui sont confiés temporairement par leurs parents.
- Les enfants retirés par la justice.
Les mêmes problèmes que ceux connus précédemment se répètent ; taux de mortalité et de morbidité élevé.
Les enfants adoptés par leurs parents nourriciers sont rejetés par la communauté, accusés de tous les maux. Si l’enfant est renvoyé au Dépôt, il contracte une nouvelle maladie et il est hospitalisé, ou il repart dans une nouvelle famille où son histoire se répète.
A leur majorité, nombreux sont ceux qui feront partie de la classe la plus pauvre et leur inadaptation sociale les oriente bien souvent vers la prison ou l’asile. L’opinion public, elle, est rassurée par cette parfaite organisation de l’Assistance Publique et les conditions de vie de ces enfants lui échappe complètement.
3ème Etape (la prolifération et la mise en cause des placements :
1) Prolifération des placements :
Après la 2ème guerre mondiale, la pratique du placement se développe considérablement alors que celle-ci est remise en question en raison de la prise de conscience des risques qu’elle engendre. Le placement devient une pratique habituelle même pour les classes les plus aisées (ils l’utilisent comme une commodité).
Les Entreprises créent des établissements où les enfants des salariés passent une bonne partie de leur enfance. Les filles mères (ainsi dénommées à l’époque) des campagnes venues travailler à la ville placent leur enfant. La politique sociale et familiale crée de nouvelles possibilités de placement :
- Pouponnières pour les bébés de parents tuberculeux, enfants hypotrophiques ou encore les bébés souffrant de maladies congénitales (retard de la croissance chez le nouveau né ou le nourrisson).
- Etablissements ou placements familiaux de post cure et/ou spécialisés (pour diabétiques, épileptiques, cardiaques…).
- C’est la naissance de la psychiatrie infantile et des services de sauvegarde de l’enfance qui utilisent aussi le placement comme mode d’éducation spécialisée
A l’époque, c’est le QI (Quotient Intellectuel) de l’enfant qui va l’orienter vers un établissement spécialisé. Ainsi des IMP (Institut Médico-Pédagogique) vont commencer à apparaître en se spécialisant pour accueillir, pour les uns les enfants diagnostiqués « débiles légers et moyens », et pour les autres les enfants « débiles profonds ». Les enfants dits « caractériels » seront orientés vers d’autres établissements. Quand aux enfants diagnostiqués « arriérés profonds » ils seront orienté avec les vieillards dans les hospices ou dans les services de psychiatrie adulte. Entre 1950 et 1960, on voit apparaître un nombre croissant d’établissements sanitaires et sociaux.
C'est à cette époque qu'est née l'AEIM. En effet, 3 mères de famille "particulièrement préoccupées par le retard de leur enfant handicapé mental" partageaient les mêmes inquiétudes quant à l'éducation de leurs enfants. Et à cette époque "l'Education Nationale leur fermait ses portes, aucune institution ne voulait les prendre en charge. Ces mères étaient convaincues que leurs enfants valaient plus que l'hôpital psychiatrique" seule solution d'accueil existant jusqu'alors. "Elles ont eu du mal à réunir un maximum de familles concernées par ce problème." Les familles, souvent, "cachaient leurs enfants handicapés, ne voulaient pas en parler parce qu'ils étaient exclus de la société." Et en 1957, l'AEIM s'est créée en ouvrant son premier IME. Tout de suite, "l'association a reçu une subvention de la Caisse d'Allocations Familiales de 1,5 millions de francs pour permettre la transformation du bâtiment et l'achat de matériel. Les familles, elles, contribuaient au financement des personnes employées au près des enfants." Ces dépenses ont été ensuite prises en charge par la municipalité de Nancy et la CAF.
(Cf. Flash Info AEIM mars 2007. "Ensemble, nous avons grandi")
De plus, le placement d’un enfant est à l’époque plus facilement consenti à une mère de famille sans ressource ni logement, qu’une aide financière. Il faut savoir que plus, elle effectuait de placements, plus l’Assistante sociale était reconnue compétente, qu’un établissement était estimé au nombre d’enfant qu’il pouvait accueillir. L’Assistance Publique rebaptisée ASE (Aide Sociale à l'Enfance) voit s’élever les effectifs des enfants, ce qui l’oblige à recruter davantage de familles d’accueil et situées de plus en plus loin du milieu d’origine des enfants.
2) Mise en cause et redressement de la politique de placement :
Alors qu’elle est en plein essor, la politique de placement est soudain remise en question par un ensemble de travaux et de recherches, dont certains sont déjà anciens. En effet, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) avait chargé Bowlby d’une enquête sur les effets de la séparation. Il la publie sous le titre « Soins Maternels et Santé Mentale ».
Bowlby démontre les effets nocifs à court et à long terme des placements d’enfant et le danger de la séparation, l’importance de la relation primordiale de l’enfant à ses parents et plus particulièrement de la relation maternelle.
Dans un 1er temps ses résultats sont contestés et une incompréhension mutuelle oppose les partisans du placement à ceux du maintien dans la famille. Les adeptes du placement pensent que les troubles que présente l’enfant sont propres à lui-même et à ses conditions de vie avec ses parents.
Pourtant à l’époque l’ampleur du problème est flagrante tant le nombre d’enfants placés est important et également tant les conditions de placement et les carences qu’elles engendrent sont déplorables. Cependant les fonds alloués par la Sécurité Sociale et la CAF facilitent l’acquisition de bâtiments et la gestion du placement est peu coûteuse. Ces raisons expliquent qu’on opte pour ce type de structure plutôt que pour des établissements de plus petite taille mais encadrés par un personnel plus nombreux et mieux formé.
Devant la facilité avec laquelle les placements sont renouvelés et donc qui en fait des séjours interminables et les déplacements d’un lieu à un autre auquel les enfants sont confrontés, M.D parle de déportation : « En effet quel que soit leur âge, les enfants partent par convoi de 8 à 10, avec des convoyeuses qui ne les connaissent pas et vers une destination inconnue d’eux, pour être placés dans un environnement rural totalement étranger, sans avoir revu leurs parents, sans la moindre préparation, et sans aucun moyen d’anticiper leur avenir immédiat, ni espoir de revoir leurs parents ».
La séparation de l’enfant de ses parents est totale. Les visites étant rares et quasiment impossibles (éloignement, coût des déplacements, mal acceptées par le personnel qui pense qu’elles perturbent l’enfant qui ne reconnaît pas ses parents). La seule possibilité laissée aux parents est de reprendre leur enfant, mais souvent elle provoque un nouveau placement car ils ne sont pas aptes à s’occuper de leur enfant et de gérer les difficultés qu’il présente.
Bien qu’ils soient pris en charge dans de somptueux établissement, ceux-ci sont isolés et l’enfant y vit de manière « enfermé » sans possibilité d’accès à l’environnement (loisirs, école…). Les besoins de l’enfant ne sont pas pris en compte et les soins lui sont prodigués par une multitude de personnes.
Les enfants présentent des retards de développement, des états psychotiques et déficitaires, des manifestations d’inadaptations, des troubles graves du comportement, ils sont en échec scolaire. Mais leur état et leurs carences sont expliqués, à l’époque, uniquement par des facteurs héréditaires, congénitaux et irréversibles. Bien que les résultats de l’étude de Bowlby soient niés en bloc dans un premier temps, ils vont provoquer d’autres recherches dans plusieurs pays qui vont faire progresser la situation jusqu’à nos jours.
4ème Etape : Les temps modernes (1950 à nos jours) :
On assiste enfin à une évolution de la politique et de la pratique du placement. Au fil du progrès des connaissances, les services se modifient. Deux nouvelles orientations se dessinent :
1- éviter les séparations,
2- lutter contre les facteurs de carence des systèmes d’accueil.
1- Eviter les séparations :
Il y a création d’une consultation destinée à examiner les demandes de placement. Elle a pour but de vérifier son bien fondé, d’imaginer et de mettre en place les moyens de l’éviter ainsi que d’éviter les placements de dépannage. On assiste également à un changement de la politique sociale, des nouveaux types d’établissements se créent :
- Service de prévention ;
- AEMO (Assistance Educative en Milieu Ouvert)
- Possibilité d’accueil mère - enfant en pédiatrie ;
- Commission Départementale d’Education Spécialisée (CDES), aujourd’hui rebaptisée Maison Départementale des Personnes Handicapées par la loi du 11 février 2005 ;
- Les hôpitaux de jour ;
- Les CAMSP (Centre d'Action Médico Sociale Précoce).Ces nouvelles mesures diminuent considérablement le nombre des placements. Le placement est alors dévalorisé en tant que tel (sentiment d’échec, dernier recours). Ainsi on assiste au maintien abusif d’enfants dans leur famille.
2- Lutte contre les facteurs de carence :
Des efforts considérables se poursuivent pour améliorer les modes d’accueil selon 3 pôles :
- ouverture des établissements vers l’extérieur ;
- assurer à l’enfant une relation significative et stable avec ceux qui le prennent en charge ;
- maintenir des contacts parents/enfants. On reconnaît enfin la souffrance des enfants et celle de leurs parents à l’égard de la séparation.
Les CEMEA (Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active) donnent une nouvelle orientation au travail éducatif : « développant l’attention de l’éducateur à l’égard de l’enfant et sur les conditions à créer pour que ce dernier « se sente » et « soit » sujet participant et non objet dirigé et manipulé »
On assiste donc à la genèse du projet individuel où l’enfant doit être auteur et acteur de son projet de vie. On assiste également à un changement dans les conditions dans lesquelles s’effectuent le placement :
- apparition de nouveaux types de structures à effectif plus faible (foyer de vie, appartements thérapeutiques) ;
- les grands groupes sont scindés, les chambres individuelles apparaissent et l’enfant a le droit de décorer sa chambre ;
- on institue l’éducateur référent qui a une relation personnalisée avec l’enfant.
Dans un même temps, les établissements se déplacent de la campagne vers la ville. De plus, il y a une volonté de faire bénéficier à l’enfant de toutes les possibilités des programmes scolaires, d’une meilleure orientation professionnelle, des thérapeutiques de pointe. Le but recherché est d’élever le niveau des enfants, de stimuler leur développement, de réduire leur apathie, destructivité et agressivité.
Les thérapeutes apparaissent dans les institutions, ils détectent les troubles dont souffrent les enfants, qui échappaient jusqu’alors au personnel. Leur arrivée permet un travail en équipe pluridisciplinaire et une complémentarité des différents intervenants qui prennent en charge les enfants.
Aujourd’hui, les établissements sont adaptés aux usagers (en fonction de leur âge et de leur problématique). Ils ne sont plus financés par la charité publique, mais par l’état et les conseils généraux des départements. Le personnel est formé afin de mieux prendre en charge les populations accueillies. De plus les usagers sont protégés par le cadre législatif contre les maltraitances éventuelles.
3- Le placement au F.O :
Le F.O accueille des personnes en situation de handicap mental qui ont été déclarées « inapte au travail » par la CDA.. Sa mission est de favoriser l’intégration physique et sociale des personnes accueillies et de les faire tendre vers une plus grande autonomie dans tous les actes de la vie quotidienne.
La prestation d’activité de jour est conçue et organisée selon les intérêts, les préférences et les besoins des usagers. Afin de leur permettre d’entrer systématiquement dans une démarche de projet individualisé dès leur arrivée à l’établissement.
En ce qui concerne l’entrée du résidant au foyer d’hébergement c’est la Commission d’hébergement qui se prononce sur son dossier. Cette commission est constituée par l’assistante sociale de l’AEIM, le directeur et la chef de service de l’établissement et ses administrateurs. Elle étudie les demandes en fonction de l’urgence et des priorités du placement en fonction du nombre de places disponibles. Dans la grande majorité des cas, la demande émane des parents pour diverse raisons :
- vieillissement ;
- problèmes de santé ;
- difficultés dans la prise en charge quotidienne de leur fils/fille.
Comme je l’ai déjà dit ce placement constitue la première séparation pour certains adultes de leurs parents et réciproquement. C’est donc le placement qui provoque la séparation qui est vécue si péniblement par les résidants.
D’autant plus qu’elle est intervenue de manière brutale dans leur vie. En effet après quelques visites au foyer d’hébergement mais dans des locaux vides et une réunion avec les familles, 10 usagers ont emménagé dans la structure le lundi et les 11 autres le mercredi de la même semaine. Le financement de l’établissement sous la forme d’un prix de journée ne permettait pas une plus grande souplesse. Ainsi après avoir passé toute leur vie avec leurs parents et être rentrés tous les soirs au domicile familial, les résidants ont emménagé dans une collectivité avec toutes ses contraintes.
De plus, l’établissement n’ayant obtenu que 3 postes supplémentaires pour l’ouverture du foyer d’hébergement, le taux d’encadrement est faible pour une population très dépendante. 3 éducateurs pour accompagner 21 résidant dans tous les actes de la vie quotidienne, sachant que certains nécessitent une prise en charge individuelle (toilette, habillage, lever,…).
C’est pourquoi dans la troisième partie, je vais étudier la séparation et ce qui la rend si difficile pour les résidants comme pour leurs parents mais aussi ce que l’institution met en place pour la favoriser.
3ème PARTIE : La Séparation
I- Définition :
Le Dictionnaire Larousse 2005 définit « la séparation » comme « l’action de séparer, d’isoler ; fait d’être déparé » et « séparer » : « mettre à part, éloigner l’une de l’autre les choses, les personnes qui étaient ensemble ».
Pour le Dictionnaire de Psychologie Larousse, la séparation est « action d’éloigner les uns des autres des êtres ou des choses. Généralement, la séparation des siens est ressentie comme une frustration, elle entraîne l’insécurité, l’anxiété et parfois, suscite l’agressivité. Pour le jeune enfant, l’éloignement de son foyer ou la mésentente parentale est souvent une tragédie. En général, il régresse, à moins qu’il ne trouve dans son nouvel entourage un substitut maternel affectueux et sécurisant. Cependant, la séparation d’avec des êtres chers est inéluctable. Pour que l’épreuve ne soit pas trop cruelle, il conviendrait d’habituer l’enfant à de brèves absences heureuses ».
Dans son ouvrage intitulé Internat et Séparation, Richard Josefsberg aborde,la définition dans plusieurs disciplines. Après avoir travaillé comme éducateur - spécialisé il est aujourd’hui directeur de l’une des maisons d’enfants de l’Oeuvre de Secours aux Enfants. Il est titulaire d’un diplôme supérieur en travail social et d’un DEA en science de l’éducation.
Ensuite, il en élabore une : « La séparation est donc une notion qui pourrait être transdisciplinaire, ce qui conduit à la définir comme la production d’un espace réel ou symbolique à l’intérieur d’un ensemble, d’une totalité qui a pour effet de constituer au moins deux éléments différenciés, distincts, pouvant se maintenir vivants et entretenant un lien réel ou symbolique ».
Les résultats des enquêtes qu’il a consulté aboutissent au fait que « la séparation enfant/parents est une rupture dont personne ne guérit ; d’autre part les institutions sont incapable d’individualiser les réponses des enfants qui leur sont confiés,chaque enfant étant noyé dans une collectivité ». C’est la raison pour laquelle il a décidé de travailler sur la séparation.
Mais selon lui, « ce sont l’éthologie, l’anthropologie, la psychologie et la psychanalyse en particulier qui semblent illustrer le mieux la séparation ».
En effet, John Bowlby, psychiatre, avait été chargé d’une enquête sur la séparation et ses conséquences par l’Organisation Mondiale de la Santé après la 2ème guerre mondiale. Il démontre à travers ses travaux les dangers de la séparation en développant le concept d’attachement.
II- Le Concept d’Attachement :
DEFINITION:
Aujourd'hui, l'attachement se définit comme : "l'ensemble des liens qui se sont établis entre un bébé et sa mère à partir des sensations et des perceptions du nourrisson vis-à-vis de cette dernière et, réciproquement, de la mère a l'égard de son enfant.
Dès le troisième jour après sa naissance, le nourrisson est capable de reconnaître l'odeur du sein et du cou de sa mère, et de les différencier de celle d'une autre femme ayant un bébé du même âge. De même, il est capable de distinguer sa voix, le goût de sa peau, la qualité de son toucher.
La notion d'attachement a été introduite en psychologie en 1959 par J. Bowlby (1907-1990) à la suite des travaux des éthologues.
H. F. Harlow présentait à de jeunes macaques rhésus deux mères substitutives : l'une faite de fil de fer mais pourvue d'un biberon de lait, l'autre sans biberon mais recouverte de fourrure. Les bébés singes se précipitaient vers cette dernière, préférant le contact et la chaleur du pelage au lait. Cette observation contredisait la thèse psychologique selon laquelle le lien à la mère dérive de la satisfaction du besoin de nourriture.
Pour Bowlby il ne fait pas de doute que l'attachement est un processus inné dont nombre de mécanismes, tel le cri, l'agrippement, l'étreinte, la succion sont communs à l'enfant et au jeune primate. Le sourire, spécifiquement humain, est l'un des mécanismes d'attachement apparaissant très précocement chez le nouveau-né. La théorie de l'attachement s'est progressivement enrichie; actuellement, elle dépasse la dyade mère – enfant pour englober les relations avec les autres membres de l'entourage."
Dictionnaire de psychologie - Larousse
1-Les travaux de Bowlby :
En 1952, Robertson et Bowlby observent les réactions des jeunes enfants séparés de leur mère.
Bowlby (1907-1990) est né dans un milieu aisé mais peu attentif affectivement.
Il a fait des études de médecine.
Ils décrivent 3 phases successives:
- La phase de protestation : qui se caractérise par de l'agitation, de la colère, des cris et des pleurs. L'enfant refuse de se laisser approcher, il recherche sa mère. Cette phase peut durer quelques heures ou quelques jours.
- La phase de désespoir avec désarroi intense et état de retrait : les pleurs diminuent, l'enfant devient inactif, ne cherche rien, ne demande rien, la tristesse et la détresse du début laissent place à l'indifférence.
- La phase de détachement : L'enfant se laisse faire par l'entourage, il s'y intéresse, redevient sociable, il accepte les soin de n'importe quel substitut maternel, semblant perdre tout attachement pour sa mère.
Bowlby va relier les 3 phases du processus qu'il a décrit aux 3 points essentiels de la théorie psychanalytique :
- la phase de protestation correspondrait au problème de l'angoisse de séparation
- la phase du désespoir à celui du chagrin et du deuil
- la phase de détachement à celui des mécanismes de défense et d'adaptation mis en œuvre pour faire face à la séparation.
Selon lui, ces trois types de réactions correspondent aux phases successives d'un seul et même processus. Ces réactions ne seraient pas acquises mais semblent génétiquement programmées et biologiquement déterminées.
Pour lui, l'angoisse primaire de séparation apparaît comme le signal activateur d'un schème de comportement spécifique : la conduite d'attachement.
Cette théorie découle directement de l'hypothèse selon laquelle l'enfant est lié à sa mère par un certain nombre de systèmes de réactions instinctuelles, le besoin d'attachement du nourrisson étant un besoin primaire assurant, dans une grande mesure, la survivance.
Bowlby critique le terme Angoisse de Séparation et préfère le concept de "rupture des liens d'attachement".
Aujourd'hui, le terme d'Angoisse de Séparation est toujours utilisé. Et elle se définit comme la réaction de détresse que manifeste le bébé lorsqu'il est séparé de la présence physique de sa figure principale d'attachement, le plus souvent sa mère.
Bowlby conclut de son étude que la carence de soins maternels a pour conséquences :
- des relations affectives superficielles
- une absence de concentration intellectuelle
- une inaccessibilité à l'autre
- des vols sans buts
- une absence de réactions émotionnelles.
Ses observations sont accueillies, à l'époque, avec suspicion par les autres psychologues et les pédiatres mais elles bouleversent beaucoup de professionnels.
Il conduira progressivement à une prise de conscience et à la modification des pratiques hospitalières.
2-La réaction d'attachement :
En dessous de 3 mois, aucun bébé ne présente les réactions décrites par Robertson et Bowlby.
L'Angoisse de Séparation apparaît vers six mois avec deux pics de fréquences d'apparition (à 8 et 11 mois).
Entre 12 et 24 mois, elle est présente chez la plupart des enfants.
Ces données vont de pair avec la réaction d'attachement décrit par Zazzo.
C'est un psychologue qui a également beaucoup travaillé sur l'Attachement en collaboration avec Bowlby et Harlow.
Zazzo identifie 3 stades :
- les deux premières en mois : le nourrisson est apaisé par toute stimulation sensorielle et pas seulement par le contact ou la présence des personnes. Il supporte mal la monotonie sensorielle et réclame des stimulations. Un simple hochet peut le calmer.
- de 2 à 3 mois : phase d'attachement indifférencié : à ce stade, l'angoisse spécifique que manifeste le nourrisson est la peur de la solitude. L'apaisement est obtenu par l'apparition d'une personne quelle qu'elle soit. Le nourrisson proteste au départ de tout adulte et montre des signes de détresse quand on le laisse seul. A l'approche d'une personne étrangère, il va répondre en le regardant, en vocalisant et en souriant.
- A partir de 6-7 mois : phase des attachements différenciés : le nourrisson proteste quand sa mère le laisse, puis 3 mois après, il manifeste de la peur en présence de personnes non familières. Seule, une personne familière peut l'apaiser.
A ce stade, la présence de la mère ou d'un substitut adéquat est devenue vitale. La réaction d'attachement est devenue un véritable besoin.
Si la séparation avec la mère se prolonge, il y a perte de ce lien.
Sur le plan social, ce sont ses expériences avec sa figure principale d'attachement qui vont permettre à l'enfant de se construire un modèle interne de lui-même, des autres et de ses relations aux autres.
Ce modèle lui fournira la base d'interprétation des comportements et guidera sa vie affective.
L'attachement lui procure une base de sécurité car la présence de sa figure principale d'attachement lui permet d'explorer son environnement.
Ensuite, les réactions d'Angoisse de Séparation d'avec la mère vont diminuer au cours du développement.
Cette évolution résulte des interactions et des expériences vécues entre l'enfant, sa figure principale d'attachement et l'environnement.
De plus, vers 18 mois, l'enfant acquiert la notion de permanence de l'objet d'attachement ce qui lui permet de tolérer des séparations temporaires.
L'enfant acquiert également de nouvelles compétences dans le domaine psychomoteur et le langage verbal qui lui permettent une meilleure maîtrise de l'environnement.
Avec le développement de la socialisation, l'enfant a des intérêts nouveaux (les autres adultes, les enfants du même âge, les animaux, les objets…).
Ces intérêts nouveaux vont l'attirer hors de son milieu familial et faciliter le processus d'autonomisation.
Son évolution progressive vers l'autonomie, marquée également par le développement de la sexualité et les conflits qui s'y rattachent va se produire jusqu'à la fin de l'adolescence.
L'Angoisse de Séparation authentifie cliniquement la réalité de l'Attachement. C'est une donnée normale, obligatoire et attendue chez tout enfant. Elle est universelle, présente dans toutes les races et toutes les cultures. On la retrouve même chez les mammifères.
3-Les travaux qui ont influencés Bowlby dans sa théorie de l'Attachement :
C'est à partir de données issues de l'éthologie (étude des comportements des animaux dans leur milieu naturel) que Bowlby a élaboré sa Théorie de l'attachement : les travaux de Konrad Lorenz sur l'empreinte et les études expérimentales de Harlow chez le jeune singe.
A- L'empreinte de la mère de Lorenz :
Le terme "empreinte" désigne le phénomène par lequel un animal prend, dans les heures qui suivent sa naissance, l'empreinte des caractéristiques de sa mère et en même temps de son espèce.
Pour les éthologues, ce phénomène est déterminant pour tous les autres liens qui s'établiront entre le jeune animal et son environnement, et les autres individus de son espèce.
Ces données vont influencer Bowlby dans l'élaboration de sa Théorie de l'Attachement : si le jeune enfant n'a pas pu s'attacher à une personne au début de sa vie alors il souffrira d'une inadaptation et d'une incapacité à établir de bonnes relations affectives avec les autres.
Ses expériences sur la séparation du jeune animal avec sa mère montrent que la rupture du lien avec sa figure principale d'attachement développe de l'anxiété chez l'enfant.
B- Les études expérimentales de Harlow chez le jeune singe :
Ces études vont permettre à Bowlby de préciser comment s'établit la réaction d'attachement du jeune enfant à sa mère et quelle est sa fonction.
Harlow a démontré que les contacts corporels entre le jeune singe et sa mère jouent un rôle essentiel dans le développement de la réaction d'Attachement, ils diminuent ses craintes par rapport à son environnement et facilitent ses comportement d'exploration.
Cette fonction prime sur celle du rôle nourricier de la mère.
Ces données vont également influencer Bowlby : pour lui, les comportements du jeune enfant à sa mère dans la recherche de contacts corporels lui apportent de la sécurité alors que son absence provoque de l'anxiété.
Bowlby est le premier à remettre en cause la Théorie de Freud selon laquelle le seul besoin primaire du nouveau-né était le besoin de nourriture et qu'à partir de la satisfaction de ce besoin se créaient les liens qui unissent l'enfant à son milieu.
4-Les différentes formes d'attachement :
L'attachement est lié à la nature des expériences relationnelles précoces entre le jeune enfant et sa figure principale d'attachement, le plus souvent sa mère. Mais comme Bowlby l'avait déjà démontré, l'enfant développe des attachements avec les personnes de son entourage de manière hiérarchisée.
Donc la qualité de l'attachement ne va pas uniquement dépendre de ses relations avec sa mère et également de ses proches.
Bowlby a observé le jeune enfant et son environnement et a décrit 3 styles principaux d'Attachement :
- l'attachement sûr : l'enfant est confiant envers ses parents disponibles et sensibles à ses signaux. S'il rencontre une situation pénible ou effrayante l'enfant va rechercher assurance et protection auprès d'eux.
- l'attachement anxieux, résistant : quand l'enfant se trouve en situation difficile, il se tourne vers ses parents pour être protégé, ceux-ci alternent disponibilité et rejet.
L'enfant exprime donc son manque de confiance envers eux, ce qui va peser sur ses comportements d'exploration. Ce style d'attachement serait favorisé par des expériences antérieures où ses parents se sont montrés défaillants ou lorsque des menaces d'abandon sont couramment utilisées comme moyen de pression sur l'enfant.
- l'attachement anxieux, évitant : il y a absence totale d'attentes de l'enfant vis-à-vis de ses parents quand il est en situation difficile.
Comme si l'enfant avait renoncé à chercher amour et protection auprès de ses parents. Ce style d'attachement serait la conséquence de rejets répétés, de mauvais traitement ou de séjours prolongés en institution dans des conditions défavorables.
Par la suite, Bowlby et ses collaborateurs ont développé une méthode expérimentale, appelée "la situation étrange" qui permet de définir à quelle catégorie d'attachement répond l'enfant.
Cette procédure a été créée pour observer comment les enfants (de 12 à 18 mois) utilisaient leur mère comme base de sécurité dans une situation anxiogène.
La procédure comporte 7 épisodes de séparation et de réunion de l'enfant et de sa mère. Elle dure 20 minutes et se déroule dans un lieu inconnu de l'enfant comprenant des jouets.
Les travaux réalisés avec cette méthode expérimentale vont montrer qu'un certain nombre d'enfants ne répondent pas aux critères requis pour entrer dans l'une des 3 catégories déjà décrites.
Ainsi, l'Attachement désorganisé va être défini avec des enfants qui ne parviennent ni à s'approcher de leur mère, ni à s'en détacher, leurs stratégies d'adaptation semblent mises en échec dès lors qu'ils se trouvent en situation difficile.
Il reste beaucoup à découvrir sur ce type d'attachement, mais les premières recherches tendent à démontrer que les réponses parentales auraient tendance à susciter l'effroi chez ce type d'enfants, certain parents ayant même été mal traitants.
5-Les troubles de l'attachement :
Depuis l'introduction de la classification des types d'attachement de l'enfant on a beaucoup parlé d'attachement en ces termes.
Mais cette classification ne permet pas de déterminer si l'enfant souffre d'un trouble de l'attachement.
Une interprétation erronée de cette théorie a amené certains à penser qu'il fallait laisser tous les enfants à leur mère parce que tout type d'attachement reflétait l'existence d'un lieu entre la mère et l'enfant.
Des recherches cliniques commencent à se pencher sur l'attachement en tant que troubles susceptibles d'entraver le développement de l'enfant.
Lors d'un colloque tenu à Montréal en 1997, Steinhaurer a proposé une grille de facteurs suggérant des troubles de l'attachement. (V. document annexe)
D'autre part, Lieberman et Zeanah (1995) ont proposé une classification clinique des troubles de l'attachement du jeune enfant.
Elle différencie 3 types de pathologie :
- le non attachement
- les attachements désordonnés
- les attachements interrompus.
6-L'attachement tout au long de la vie :
A- L'adolescence :
A l'heure où l'on évoque sans cesse les difficultés de comportement de l'adolescent et que l'on a démontré que ses figures d'attachement changent pendant cette période, on évoque peu ses problèmes d'attachement. Pourtant on sait aussi que le jeune enfant peut présenter des difficultés de comportement et que l'adolescent mal adapté psycho affectivement et socialement souffrira également de difficultés d'attachement.
Cependant de récentes études prouvent que l'on pourrait réduire les troubles du comportement de ces derniers.
En 1969, Bowlby avait déjà constaté, à partir de ses études, que 2 syndromes psychiatriques (la personnalité psychopathique et la dépression) accompagnés de 2 sortes de symptômes (la délinquance persistante et la propension au suicide) sont associés à de fréquentes ruptures des liens affectifs durant l'enfance.
B- L'âge adulte :
Concernant l'âge adulte, Bowlby a prouvé que le modèle d'attachement du jeune enfant se caractérise davantage par la continuité que par le changement.
De plus les patterns (modèles) d'attachement de la petite enfance se répercutent non seulement tout au long du cycle de vie mais ont également tendance à se transmettre à la génération suivante.
7- Processus d'attachement lié au handicap de l’enfant :
La naissance d’un enfant est le moment de la confrontation entre l’enfant imaginé et le nouveau né réel.
Quand il s’agit d’un enfant en situation de handicap, d’autre difficultés pèsent sur la mère : la culpabilité et l’acceptation du handicap. En effet, comme le rappelle Maurice Ringler dans L’Enfant différent, cette culpabilité qu’éprouvent les parents est très ancienne, dans la bible les infirmités étaient considérées comme des châtiments de Dieu, la conséquence d’une faute grave commise par les ascendants.
Aujourd’hui, avec le déclin de l’emprise de l’Eglise sur la société, la culpabilité n’est plus due à une faute commise mais à l’hérédité. Aussi, selon lui, le savoir médical semble apporter un cadre plus rationnel mais permet également d’accuser l’un des deux conjoints. Cela peut amener la famille à adopter différents comportements : le rejet ou la surprotection. Elle peut également souffrir de troubles anxieux ce qui augmente pour son enfant le risque de développer lui-même des troubles anxieux. Si elle a tendance à la surprotection de son enfant celui-ci aura plus de difficultés à supporter des séparations d’avec elle. Cela peut favoriser chez l’enfant un style d’attachement anxieux. Modèle qu’il conservera tout au long de sa vie selon Bowlby.
De plus, d’après la revue Dialogue (n°174) intitulée Familles et institutions confrontées au handicap, le développement de l’enfant en situation de handicap dépend de ses propres limites mais aussi de la façon dont la famille va vivre ce déficit et l’encadrer ou non.
L’impact psychologique du handicap de l’enfant sur ses parents va induire les relations affectives qu’ils vont établir envers lui et la surprotection n'est qu’un mécanisme de défense que les parents mettent en place s’ils ne sentent pas leur enfant suffisamment armé pour affronter les difficultés de la vie et notamment le rejet de la société auquel il est confronté.
Le propos du Président de l’AEIM dans le Flash Info de mars 2007 illustre on ne peut mieux cette théorie :
- Mot du Président -
« Je n’ai jamais aimé ce terme de « handicapé », peut-être parce qu’il ravive en moi la souffrance ressentie lorsque j’ai eu la certitude que mon propre fils devrait supporter sa différence tout au long de sa vie. Sans aucun doute parce que j’ai la conviction que cette étiquette que l’on accole à un individu dès son plus jeune âge le met obligatoirement à l’écoute des autres, oblige son environnement immédiat à avoir à son égard une attitude différente et par là même freine son évolution et l’empêche d’utiliser au mieux toutes ses potentialités (…) ».
Il ne m’est pas permis de juger les mécanismes de défense que met en place la famille pour lutter contre l’effondrement et la détresse face au handicap de son enfant. Elle peut même être présente chez certains professionnels. Cependant si la surprotection est mise en place au départ pour protéger l’enfant, elle peut aggraver les effets du handicap empêchant plus tard l’individuation de l’enfant de sa famille et la séparation à l’âge adulte.
A présent je vais exposer les moyens mis en place par l’institution pour favoriser la séparation.
III- Les moyens mis en place par l’institution :
L’établissement doit, conformément à la loi du 2 janvier 2002, établir un contrat de séjour avec la personne accueillie, ainsi qu’un projet individualisé.
A la Maison du Pré St Charles, le Projet individuel est un moyen de favoriser la séparation dans la mesure où il fait tendre le résidant vers une plus grande autonomie. Il vise une meilleure intégration sociale, il lui confère un statut d’adulte. Il est élaboré en collaboration avec la personne, sa famille et le référent.
Le référent :
Il va aider la personne à respecter les différents points stipulés dans le contrat. Il a pour rôle de se donner les moyens d’atteindre les objectifs définis avec et pour la personne dans son projet individualisé. Le référent apporte les normes, les références, l’image sécurisante de l’adulte et la sécurité affective. Il doit veiller à ce que le résidant respecte l’autre, le matériel et les règles de vie en collectivité. Le référent organise la vie au quotidien pour apporter le bien être à la personne. Il est un point de repère nécessaire.
A travers son implication et sa disponibilité dans le quotidien, se dessine une image rassurante puisque permanente et identique dans toutes ses manifestations. Le référent s’assure que le résidant ait le nécessaire tant du point de vie :
- de ses besoins personnels (produit d’hygiène…) ;
- de sa santé : suivi de son état physique et psychique en collaboration avec l’infirmière et le médecin. Pour cela il assiste le résidant chez le médecin et le spécialiste en lui expliquant les besoins de la personne et en tenant compte des données des parents ;
- de son alimentation : suivi des régimes spécifiques, s’assurer que la personne s’alimente et s’hydrate correctement ;
- de ses loisirs : lui permettre l’accès à ses désirs.
Le référent a aussi un rôle d’interlocuteur privilégié entre la famille et les partenaires internes et externes. Il est à l’écoute des familles afin de récolter le plus d’information possible permettant une meilleure connaissance du résidant. Il tisse des relations de confiance et de partage avec les familles.
En foyer d’hébergement on ne peut pas se contenter seulement d’assurer la prise en charge au quotidien du résidant, il faut également établir une relation de confiance avec ses parents puisqu’ils le confient à l’institution. Au départ, il est essentiel qu’ils puissent nous dire ses habitudes (lever, repas, coucher, toilette…). Quelque part, on rentre dans leur intimité puisqu’en foyer d’hébergement on travaille avec la personne dans son intimité.
Le référent rassemble enfin dans un dossier les informations concernant le résidant et celles de toutes les personnes gravitant autour de lui. Il lui assure un réseau de relations sociales.
Le Projet individualisé :
L’élaboration du projet individualisé (dénommé Plan de Soutien Individualisé) fait l’objet d’une association active de l’usager et de sa famille et cela à tous les stades de l’accueil :
- Admission ;
- Evaluation régulière et annuelle.
La démarche est la suivante :
- Le répertoire des activités : qui recense toutes les activités disponibles pour l’usager dans les services de jour et d’hébergement et sur lesquelles il pourra dire, ou être aidé à dire ses choix et ses préférences. Ce répertoire des activités liste les activités sur son lieu de résidence, dans son service de jour ou à l’extérieur. Certaines activités sont liées à ses loisirs (et correspondent aux opportunités qu’offre le milieu) tandis que d’autres sont liées à sa vie personnelle.
- L’inventaire du style de vie de l’usager qui est un outil utile et pertinent de l’évaluation du style de vie de l’usager afin d’abord de l’entendre et de connaître ensuite ses activités préférées, dont celles qu’il pratique couramment et celles qu’il ne pratique pas, pour évaluer le niveau de soutien requis de ses activités, pour lister celles qui auront le plus d’impact sur la qualité de son style de vie et qu’il pourra expérimenter dans le cadre de son PSI, révisable tous les ans.
- Le Plan de Soutien Individualisé (PSI) qui décrit les objectifs liés à son style de vie et les moyens mis en œuvre pour les atteindre. Il est élaboré avec l’usager, sa famille ou son représentant légal et les professionnels. Le PSI sera contenu dans le Contrat de Séjour.
D’autre part, le PSI comporte :
- des activités d’apprentissage, utiles, devant concourir à l’acquisition, à l’aide de paroles, de gestion, d’exemple, de connaissance (savoir), d’attitude (savoir être) ou de comportements (savoir faire) spécifiques pour s’adapter de façon adéquate aux multiples situations de la vie quotidienne.
- Des activités de participation dans lesquelles l’usager exprime ses goûts et ses préférences en veillant qu’ils soient conformes à son âge.
Le PSI de l’usager réaffirme donc son statut de citoyen, de personne adulte, il lui permet et l’encourage à faire des choix, dans l’objectif de tendre vers une plus grande autonomie.
Qu’est ce que l’autonomie ? D’après le ___Dictionnaire du Handicap de Gérard Zribi et Dominique Poupée-Fontaine.
C’est une notion utilisée fréquemment pour l’ensemble de la population handicapée (sur les plan moteur, sensoriel, mental, psychique) ou âgée. Elle n’a pas précisément la même signification selon les populations.
Selon la définition du Robert, l’autonomie est la capacité de se gouverner soi-même, de faire des choix dans la vie. On peut aussi noter qu’une personne handicapée physique est autonome (ce qui renvoie à ses capacités mentales) mais dépendante pour effectuer certains actes de la vie quotidienne. Pour des personnes mentalement ou psychiquement handicapées, l’autonomie correspond, plutôt qu’à des capacités mentales, à une maîtrise de savoir faire pratique, d’habiletés sociales ainsi qu’à une insertion socio relationnelle dans son environnement.
Au Foyer Occupationnel, le PSI est le moyen de faire tendre l’usager vers une plus grande autonomie dans les gestes de la vie quotidienne (toilette, repas…), dans ses déplacements à l’intérieur et à l’extérieur de la structure. Il favorise son intégration sociale par les activités pratiquées à l’extérieur de l’établissement et lui confère un statut d’adulte, de citoyen à part entière. Cependant, au vu des constats de la souffrance des résidants que j’ai pu établir, les moyens mis en place par l’institution me semblent encore insuffisants.
Aujourd’hui, il me paraît nécessaire de construire un projet à partir du nouveau lieu de vie du résidant : partir de là où en est chaque personne accueillie. En fait, mettre en place un projet qui donnerait plus de repères et de sécurité aux résidants.
Je vais présenter dans la dernière partie de mon mémoire le projet que j’ai mis en place avec et pour les personnes accueillies en déclinant dans un premier temps la posture professionnelle que j’ai adoptée.
4ème PARTIE : Ma posture professionnelle et mon action éducative :
A présent, je vais tenter d’expliquer la posture professionnelle que j’ai adoptée et le projet d’action éducative que j’ai mis en place en collaboration avec l’équipe éducative, afin d’atténuer le mal être dont souffrent les résidants. Cette souffrance est due, à mon sens, à la séparation d’avec leurs parents et au changement de lieu et mode de vie qui leur a été imposé.
D’après la définition de la déficience mentale, elle confère à la personne qui en est atteinte « une certaine difficulté à s’adapter à des situations nouvelles ». De plus, selon la théorie de l’attachement de Bowlby, j’en ai conclu que les adultes souffrent d’angoisse de séparation. Mon rôle d’éducatrice spécialisée est donc de favoriser l’adaptation des résidants à leur nouveau lieu de mode de vie.
Qu’est ce que l’adaptation ?
Selon le Dictionnaire de Psychologie Larousse de Norbert Sillamy c’est : « l’ajustement d’un organisme à son milieu. L’être vivant dispose d’une certaine plasticité grâce à laquelle il lui est possible de rester en accord avec son environnement et de maintenir l’équilibre de son milieu intérieur (…). Le processus vital nécessite un perpétuel réajustement de l’organisme pour rétablir un équilibre sans cesse rompu. Cet ajustement s’opère par une suite d’échanges ininterrompus entre le corps et son milieu, dans la double action du sujet sur l’objet (assimilation) et de l’objet sur le sujet (accommodation). Ces deux modes d’actions, interdépendants, se combinent sans cesse pour maintenir l’état d’équilibre stable qui définit l’adaptation. Il y a adaptation, dit Piaget, lorsque l’organisme se transforme en fonction du milieu et que cette variation a pour effet un équilibre des échanges entre l’environnement et lui, favorables à sa conservation. Selon Piaget, la vie psychique obéit aux mêmes lois structurantes que la vie organique (…) ».
De plus, selon Maurice Singler dans "L'Enfant Différent", les éducateurs "ont à faire en sorte que l'environnement du jeune déficient soi suffisamment repérable et cohérent pour qu'il puisse y trouver des orientations et des appuis".
J'ai donc émis l'hypothèse que pour favoriser l'adaptation des résidants au foyer d'hébergement il fallait :
- leur donner des repères spatio-temporels
- améliorer leur sécurité affective pour leur donner envi de participer aux activités
- créer du bien être
I) Ma posture professionnelle :
Afin de construire ma posture professionnelle, j'ai mobilisé certaines capacités.
En effet, j'ai développé mon esprit d'observation et d'écoute du résidant. J'ai utilisé mes capacités de communication verbale et non verbale dans l'accompagnement quotidien.
Ma pratique m'a aidé à prendre en compte la personne dans son intégrité, être attentive aux changements autant physiques que comportementaux.
Je me suis attachée à observer le résidant pour le comprendre, déceler ses attitudes, les gestes et paroles qui annoncent un changement de comportement et un passage à l'acte possible. Cette observation m'a permis d'instaurer un climat de sécurité et de confiance.
Dans la relation éducative, il faut entendre l'autre pour le comprendre. Mais mon écoute ne se limite pas à ce que le résidant peut me dire explicitement, mais également ce qu'il exprime par ses attitudes, ses gestes.
L'écoute est aussi l'acceptation de l'autre tel qu'il est. C'est dons par la communication verbale et non verbale que j'établi ma relation avec les résidants et réciproquement (leurs dires, mimiques, contacts corporels…). La communication est donc un échange d'informations entre deux personnes, elle amène le partage.
Enfin, j'ai veillé à respecter le rythme de chaque personne en faisant attention de ne pas aller trop vite, ne pas brûler les étapes.
J'ai également fait preuve d'empathie à leur égard.
II) L'action éducative auprès des résidants :
Je suis partie de l'hypothèse que pour favoriser l'adaptation des résidants au foyer d'hébergement je devais leur donner des repères pour les sécuriser et créer du bien-être.
Pour mettre en œuvre mon projet, j'ai utilisé différents moyens :
- La mise en place d'un Tableau d'Activités sur lequel les usagers s'inscriront et la mise en place d'activités nouvelles qui apportent du bien-être à la personne.
- L'aménagement d'un petit salon au foyer d'hébergement afin de le transformer en un lieu chaleureux où les résidants se sentiront bien.
1- La mise en place du tableau d’activités
Dans un premier temps, j’ai présenté mon projet aux usagers je leur ai expliqué qu’ensemble nous allions réaliser un tableau sue lequel les activités seront représentées par des pictogrammes et qu’ils s’y inscriraient à l’aide de leur photo.
J’ai reçu à mon annonce l’adhésion du groupe. Les usagers étaient ravis.
J’avais déjà présenté mon projet à la chef de servie et à mes collègues qui intervenaient sur le groupe afin d’assurer une continuité dans l’accompagnement des personnes accueillies.
L’équipe avait également adhérée.
Afin de mener à bien mon PAE, j’ai choisi de m’inspirer de la méthode : « Communiquer et apprendre par pictogrammes » mise au point, entre autres, par Emile Counet, Inspecteur de l’Enseignement Spécial et Secondaire, par Yvon Laurent, Inspecteur de l’Enseignement Spécial Primaire, par Catherine Rochet, psychologue à l’IMP de Gozée et par Jeanine Von POncke, enseignante à l’école Saint Exupéry de Gozée.
Qu’est ce qu’un pictogramme ?
Le terme pictogramme est une appellation assez générale, signifiant simplement « représentation par le dessin ».
Elle convient pour des personnages ou des objets concrets.
Les intentions pédagogiques de cette méthode visent trois objectifs principaux :
-La préparation à la vie sociale
-Un support de langage oral
-Une introduction à la lecture alphabétique proprement dite
Afin de mettre en place mon action éducative, j’ai vérifié dans un premier temps grâce à la méthodologie de « Communiquer et apprendre par pictogrammes » les aptitudes des usagers à comprendre et à assimiler les pictogrammes qui seront utilisés sur le Tableau d’activités j’ai utilisé l’instrument d’Evaluation Initiale proposé par cette méthode.
(cf annexes)
J’ai constaté que les usagers réagissaient aux 2 ou 3 premiers items de la section « graphique–réception » et également au premier item de la section « graphique expression ».
A partir des conclusions que j’ai pu tirer de cette évaluation initiale, j’ai à proprement parlé débuté la phase d’apprentissage.
Première étape : LA REALISATION DES PICTOGRAMMES
Tout d’abord j’ai sélectionné les pictogrammes qui me semblait représentatifs des activités proposées au Fo (cuisine, équitation, achats personnels,….).
Avec les usagers je les ai découpés et ils les ont collés sur un support cartonné afin de les rendre plus résistants aux manipulations.
J’ai profité de cette première présentation pour les nommer. Les usagers étaient très fiers du travail qu’ils accomplissaient et du résultat final.
J’ai choisi de les réaliser de cette façon car je pense qu’ils pourront mieux se les approprier en les construisant plutôt que de les préparer seule et de leur présenter ensuite.
Deuxième étape : LA PHASE D’APPRENTISSAGE
Afin de mener au mieux la phase d’apprentissage avec les usagers, j’ai également suivi scrupuleusement les conseils de la méthode utilisée :
Déterminer des objectifs de travail, notamment en ce qui concerne le choix du vocabulaire à enseigner .La sélection des mots doit tenir compte :
-Des capacités de l’élève, de son niveau cognitif .Cet aspect influence à la fois le nombre de pictogrammes à enseigner et leurs complexités.
-Des besoins de l’élève. Les mots enseignés doivent êtres ceux qu’il utilise régulièrement.
A partir de là, j’ai donc entrepris l’apprentissage des pictogrammes avec les usagers (par groupe de 4 personnes) en exploitant, au mieux, les exercices proposés dans cette méthode.
J’ais appliqué des exercices dit de « fixation » qui ont pour but d »entraîner les élèves au maniement et à la maîtrise du code et d’assurer sa fixation afin que les adultes intègrent et assimilent la signification des pictogrammes que nous allons utiliser sur le tableau d activité.
Ces exercices de fixation sont répartis en plusieurs catégories : je me suis inspirée de la première : les exercices de reconnaissance.
Objectifs : Spontanément ou sur demande en présence d’un ou plusieurs objets, d’une information, d’un message (concret, abstrait ou semi concret), l’élève réagira adéquatement de façon verbal (citer, nommer) ou non verbal (regarder, désigner de quelques manière que ce soit, prendre, utiliser) aux stimulés rencontrer ou stimuler.
Application au niveau du mot
- Identifier des pictogrammes présentés isolément ou en groupe (le nombre de pictogrammes peut varier suivant le niveau)
L’enseignant présente à l’élève le premier pictogramme et demande a qu’il représente. Il passe ensuite au suivant. En cas d’échec, l’enseignent corrige et explique avant de poursuivre.
- Désigner un pictogramme parmi d’autres. L’enseignant présente un nombre de pictogrammes en rapport avec le niveau. Il énonce un mot (nom, verbes …) et demande à l’élève de montrer le pictogramme correspondant.
Pour pratiquer ce premier exercice d’apprentissage des pictogrammes, j’ai décidé d’utiliser ceux qui me paraissaient le plus représentatif de l’activité.
Exemple : - Une gazinière pour représenter la cuisine éducative.
- Un cheval pour représenter l’équitation.
- Un caddie pour représenter les achats personnels et les courses.
Ainsi, j’ai présenté les pictogrammes aux usagers en leurs demandant a quoi ils correspondaient : je leurs demandais d’identifier à chacun une série à l’adulte afin de l’aider. Ensuite, la consigne était de désigner du doigt les pictogrammes que je nommais.
Cette façon ludique de présenter l’apprentissage a séduit les usagers et ils y ont participé avec beaucoup de plaisir .Mais comme ce sont des personnes présentant des difficultés de concentration et d attention j’ai préféré effectuer des séances d’apprentissage de courte durée et fréquentes. D’autant plus que le groupe est constitué de 10 résidents et que chacun doit pouvoir participer aux séances d’apprentissage quelle que soient ces capacités. Il me semble nécessaire de tenir compte des potentialités et du rythme de chaque personne dans une action éducative comme dans tout accompagnement d’une manière plus générale.
Mon attitude visait surtout à les encourager et les motiver dans cet apprentissage puisqu’ils semblaient avoir les capacités requises pour l’effectuer.
Donc, je m’attachais beaucoup à les féliciter quand ils donnaient une bonne réponse.
Troisième étape : APPRENTISSAGE DE L’INSCRIPTION AU TABLEAU D’ACTIVITES
1) EVALUATION INTERMEDIAIRE
Avant de passer à la phase d’apprentissage d’inscription il m’a paru nécessaire de faire une évaluation de l’acquisition des pictogrammes auprès des résidants. Et après avoir refait avec eux un exercice de reconnaissance, je me suis rendue compte que le pictogramme représentant la « télévision » (activité TV- vidéo) n’était pas acquis pour la majorité d’entre eux.
Il m’a fallu trouver un autre moyen pour rendre cette activité plus représentative sur le Tableau d’Activités un code compris par tous.
J’ai choisi de prendre la photo d’un téléviseur dans l’imagerie avec lequel nous travaillerons des exercices de langage. La photo a été immédiatement adoptée car tous les résidants ont pu reconnaître ce qu’elle représentait et donner un sens à sa signification sur le tableau.
Les autres pictogrammes semblaient acquis et j’ai pensé que leur utilisation au quotidien permettrait aux usagers de les mémoriser de manière durable.
Apres cette phase d’évaluation intermédiaire, j’ai décidé de passer à la phase d’apprentissage de l’inscription au Tableau d’Activités.
2) APPRENTISSAGE DE L’INSCRIPTION AU TABLEAU D’ACTIVITES
Afin de permettre aux usagers de s’inscrire sur le Tableau d’Activités, je leur ai expliqué que ma collègue allait les prendre en photo et qu’ils l’utiliseraient ensuite comme un moyen de participation. Tous ont été ravis de se faire photographier, sauf un résidant qui dans un premier temps a refusé mais il a adhéré à ma demande quelques jours plus tard.
Une fois les photos développées, je les ai plastifiées afin de rendre leur résistance plus importante à une manipulation quotidienne.
J’ai décidé d’effectuer un travail individuel avec chaque adulte pour l’apprentissage de l’inscription. Et le lendemain, j’ai accroché le pictogramme de l’activité « peinture » (représenté par une boite d’aquarelle et un pinceau) et en expliquant aux usagers que nous allions faire de la peinture ce matin.
Je leur ai demandé de venir s’inscrire sur le tableau à l’aide de leur photo.
De plus, une photo de l’éducatrice qui encadre l’activité est également affichée. J’ai accompagné chaque personne pour prendre sa photo (je les avais étalées sur une table) et l’accrocher sur le tableau.
Tous ont adhéré, sauf une jeune femme qui souhaitait garder sa photo et voulait la ranger dans son sac à main. Je lui ai expliqué que cette photo servait à l’inscription au Tableau d’Activités et que si elle en désirait une autre pour la conserver, je lui en développerais une autre.
Apres un moment de négociation et d’hésitation, elle a accepté de l’utiliser pour s’inscrire à l’activité.
Il était bien convenu entre nous que je lui en donnerais une autre.
Ainsi chaque matin et début d’après-midi, nous avons continué à pratiquer l’inscription.
Je précise qu’un pictogramme représentant le « déjeuner » (une assiette et des couverts) sépare l’activité des deux demi-journées.
J’ai préfère dans un premier temps dissocier ces deux moments de la journée afin d’éviter les confusions au niveau des activités.
Par contre quand l’utilisation du tableau sera acquise et respectée, j’envisage d’établir le programme sur la journée afin de donner des repères dans le temps.
Certains jours le jeune femme qui voulait garder sa photo avec elle refuser de participer à l’activité à laquelle elle s’est inscrite juste avant. C’est chaque fois au moment où nous sortons le matériel et que nous nous installons, ou si il s’agit d’une activité à l’extérieur, c’est au moment de se préparer pour partir.
Elle se met à pleurer voire à crier en disant « je veux pas, je veux pas ! »). Il lui arrive même de frapper un autre usager ou de faire tomber intentionnellement des objets.
J’essaie de la calmer en l’isolant dans une salle située juste en face de celle du groupe (elle est aménagée en salle de sport avec des tapis sur le sol mais elle est très peu utilisée du fait de l’absence de l’éducatrice d’activités physiques et sportives pour cause de congés parentale et elle n’est pas remplacée en tant que telle).
Je lui demande de s’allonger sur un tapis je reste un peu près d’elle en lui demandant de se calmer. C’est souvent à ce moment qu’elle réclame « la maman, la maman ! ». C’est une personne qui souffre beaucoup de la séparation d’avec sa mère (cf Mes constats).
Je lui demande de revenir dans la salle des qu’elle sera calmée car je ne peux pas non plus laisser le groupe seul trop longtemps.
Il faut dire que depuis son entrée au foyer d’hébergement, elle n’était jamais retournée en famille passer un week-end.
Sa maman m’avait expliqué qu’elle avait trop de difficultés à assurer sa prise en charge (surtout pour la coucher et durant la nuit).
Par contre, elle venait lui rendre visite dans la structure avec ses sœurs mais rarement. J’ai donc décidé en accord avec la chef de service de mettre en place pour elle des retours en famille mais uniquement pour la journée (à partir de midi jusqu’à 17h). J’ai appelé la maman qui a été tout à fait d’accord sur le principe mais à condition que sa fille ne présente pas de difficultés à repartir. J’ai également contacté une compagnie de taxis qui assurerait son transport et qui a établit un devis du coût du service que j’ai faxé à la tutelle de la jeune femme qui a donné son accord.
Et depuis elle repart un samedi sur deux pour la journée chez sa maman. Elle revient au foyer enchantée et heureuse et elle accepte mieux la séparation puisqu’elle n’est plus synonyme de rupture pour elle.
Sa sortie n’a aucun impact sur le prix de journée puisqu’elle passe la nuit à l’établissement. Cette modalité est compatible avec le fonctionnement de la structure.
2- La mise en place d’une activité nouvelle :
Comme je l’ai expliqué dans l’organisation de l’établissement je travaille la plupart du temps seule avec un groupe de dix résidants.
Le faible taux d’encadrement ne permet pas de privilégier les activités extérieures. De plus l’éducatrice d’activités physiques et sportives est absente pour congé parental et n’est pas remplacée comme telle.
Afin d’accompagner les résidants qui souffrent de la séparation d’avec leurs parents il m’est apparu nécessaire de leur proposer une activité nouvelle qui leur apporterait du bien être et qui serait également un moyen pour eux de sortir de l’institution et de s’intégrer dans le quartier.
J’ai donc contacté la MJC de St Charles qui propose une activité gymnastique dans le cadre de ses prestations.
Le directeur m’a mis en relation avec la professeur de gymnastique avec laquelle j’ai eu un premier entretien téléphonique pour lui présenter mon projet. Elle a été partie prenante immédiatement. J’ai donc dans un premier temps proposé le projet à la chef de service et à l’équipe qui y a adhéré.
Ensuite nous avons convenu d’une rencontre afin de finaliser le projet (partie budgétaire) et de permettre aux résidants de rencontrer la professeur de sport qui n’avait jamais travaillé avec un public en situation de handicap mental.
J’ai expliqué le projet aux résidants qui ont accueillies avec sympathie Madame R. à son arrivée au foyer. Et les présentations ont été faites.
Le public accueilli au FO étant très dépendant nous avons dons choisi de travailler avec des groupes restreints afin d’optimiser l’accompagnement (4 personnes).
Il était entendu que l’éducatrice qui amènerait les adultes à la salle des sports du quartier assurerait leur prise en charge en collaboration avec la professeur de gymnastique pendant la séance. Cette activité se déroulerait donc chaque jeudi de 17h à 18h.
Ensuite j’ai demandé aux jeunes femmes qui voulait aller à la gymnastique et un groupe a été constitué pour une première séance qui a consisté par de nouveau des présentations, une mise en confiance, des exercices d’échauffement, des jeux avec des cerceaux.
La semaine suivante j’ai proposé aux résidants d’aller à la gymnastique et un second groupe s’est constitué pour une première séance.
Il était convenu à toutes les résidantes l’activité à tour de rôle en laissant le choix d’y participer ou pas et de pratiquer quelques séances pour qu ‘elles puissent décider de s’y inscrire ou pas. Et ensuite de constituer un groupe qui pratiquerait la gymnastique régulièrement (comme tout citoyen à part entière qui s’inscrit dans un club).
Après que chacune des résidantes s’y soit essayées à tour de rôle, il est ressorti que 8 résidants étaient intéressés : nous avons donc constitué deux groupes de quatre femmes selon leurs affinités personnelles.
Et chaque jeudi soir elles se rendaient à la salle des sports. Souvent elles en reparlaient le lendemain et me demandaient quand est ce qu’elles y retourneraient.
Ayant constaté le succès de cette activité pour les femmes je l’ai également proposé aux hommes : spontanément cinq d’entre eux ont répondu favorablement.
J’ai contacté Madame R. pour lui faire part de notre demande et une première prise de contact a été effectuée sur le même mode que pour les femmes.
La pratique de la gymnastique a enchanté les hommes et un autre groupe a été constitué.
3- Aménagement du petit salon :
Afin d’améliorer lé sécurité affective et de créer du bien être et du fait que les résidants n’investissaient pas leur nouveau lieu de vieil me paraissait important de créer un lieu chaleureux où ils auraient envie de se rendre, d’y passer du temps des moments agréables.
En effet les résidants sont dans la demande de la présence constante de l’éducatrice à leurs côtés et de ce fait passent très peu de temps dans leur chambres respectives : ils errent plutôt dans les couloirs et dans le hall de la structure après le dîner.
Or il y a un petit salon au premier étage uniquement meublé de chauffeuses et d’un téléviseur. Et un seul résidant s’y rend chaque soir avant et après le dîner pour regarder la télévision accompagné de deux autres résidants de temps à autre.
J’ai donc pensé à l’aménager afin de favoriser à leur adaptation et à leur niveau
de vie.
Première étape : Annonce du projet à la chef de service et à mes collègues : comme dans toutes activités pratiquée la régularité s’impose afin d’obtenir l’adhésion de tous les résidants et leur permettre l’acquisition de repères donc investir le petit salon doit se faire chaque soir.
Au niveau des moyens financiers je n’ai pas eu de budget maximum imposé mais d’effectuer une dépense « raisonnable ».
Deuxième étape : Proposition aux résidants de décorer la pièce et d’aller effectuer des achats ensemble.
Comme pour la mise en place du Tableau d’Activités j’ai effectué les achats avec les résidants.
Je pense que pour qu’ils s’approprient le lieu : « leur salon », il était important qu’ils choisissent la décoration.
Un samedi alors que j’étais de service de 14h à 22h j’ai proposé aux résidants d’aller faire des courses. Ensemble nous avons acheté des rideaux et des tringles, des lampes, des cadres et des photos murales.
Les résidants étaient heureux et cherchaient dans les rayons en donnait leur avis et leur préférence.
Le lundi suivant j’ai montré nos achats à l’homme d’entretien en lui demandant de suspendre les tringles percer quelques trous pour y accrocher les cadres…
Je lui ai également demandé de débrancher les deux néons du plafond qui donnaient une trop forte luminosité, trop froide car les appliques murales suffisaient et ils étaient commandés par le même interrupteur.
En plus des décorations l’ambiance a créer ma paraissait importante.
Dès qu’il a pu accomplir ces taches nous avons commencer à décorer le salon : accrocher les rideaux, les arranger, les nouer, suspendre les cadres…
Nous avons également réalisé une guirlande en tulle rempli de pot pourri que nous avons attaché au bout de la tringle.
Le salon commençant à devenir un lieu plus accueillant plus chaleureux.
Les personnes qui avaient participé à son aménagement disaient que c’était beau, elles étaient très fières d’elles. Et elles demandaient aux autres résidants et éducateurs de venir admirer la nouvelle décoration.
En soirée je les inviterais à y venir pour regarder la télé, discuter, regarder des magasines,…enfin se détendre avant l’arrivée de la nuit qui créait souvent chez eux des angoisses supplémentaire.
4- La Réorganisation :
Alors que mon PAE suivait son cours mais avant que je n’ai pu effectuer l’évaluation finale car cette année je ne suis pas souvent présente à l’établissement du fait de mes regroupements à l’IRTS et des congés une réorganisation a eu lieu.
Suite aux mécontentements des familles de voir les adultes « privés » d’activités extérieures et des éducateurs de travailler trop souvent seuls avec des groupes de dix personnes et de ne pas pouvoir répondre à leurs demandes et à leurs besoins individuels, la direction à décidé de réorganiser l’établissement comme suit :
*constitution de quatre groupes d’usagers plus homogènes et encadrés par quatre ES (dont moi-même étant en fin de parcours de formation bien que pas diplômée) de 9h30 à 16h30 du lundi au vendredi.
Ces 4 groupes ne tiennent donc plus compte des usagers (externes et résidants)
*les ME et AMP continuent leurs horaires d’hébergement (7h-14h30/14h-22h) y compris les week-ends mais travaillent en journée sur des groupes fixes.
Ce qui permet de renforcer l’encadrement des usagers en journée (2 personnes au moins /groupe) et de leur donner des repères car ils savent qu’ils retrouvent l’éducatrice référente de chaque groupe chaque jour. De plus une continuité dans la prise en charge est assurée.
La direction demande également à chaque éducatrice référente d’établir un emploi du temps des activités sur huit semaines.
L’éducatrice spécialisée devient le garant de projet individualisé de chaque usager en collaboration avec ses collègues qui interviennent sur le groupe.
J’ai donc pris en charge un nouveau groupe tout au long de la semaine. Il est constitué de 4 externes et de 6 résidants dont 5 faisait partie de l’ancien groupe avec lequel je travaillais.
5- Modifications / Réajustements
Les premiers jours les usagers on été perturbés par cette nouvelle réorganisation car elle se traduisait pour eux par une nouvelle perte de repères qu’ils avaient acquis depuis l’ouverture du foyer d’hébergement : changement dans la constitution des groupes, dans l’affectation des salles, et des éducateurs qui interviennent sur les groupes.
Quelques uns d’entre eux ont manifesté surtout de la réticence à changer de salle.
Une fois le groupe reconstitué j’ai continué à utiliser avec eux le Tableau d’Activités pour s’y inscrire et respecter l’activité choisie.
Il m’a fallu reprendre les exercices de reconnaissances des pictogrammes avec les nouveaux usagers. Mais je leur ai fait participer à l’inscription des leur arrivée. Cela permettait également l’apprentissage des pictogrammes.
L’activité gymnastique se poursuit mais comme l’effectif total est de 13 personnes (8 femmes et 5 hommes) et que le taux d’encadrement est plus important en journée il a été décidé en réunion d’équipe de la pratiquer le mardi matin pour les hommes et le jeudi une fois sur deux pour les femmes, car elles froment deux groupes.
Le budget de l’établissement ne permettant pas de financer trois séances par semaine.
Je ne travaille plus en hébergement donc et je n’accompagne plus les résidants au petit salon mais mes collègues continuent à les inviter le soir pour passer un moment agréable de détente avant le coucher.
6- Evaluation Finale :
Mon PAE avait bien démarré car j’avais obtenu l’adhésion de ma chef de service, des usagers et de l’équipe mais il a été quelque part perturbé dans son déroulement avec la réorganisation et j’ai donc du l’adapter.
Mais n’est ce pas le rôle de l’ES de s’adapter aux situations dans ses actions auprès des usagers ?
Et la réorganisation comme mon PAE a pour but de donner des repères et donc de sécuriser les adultes.
Au niveau de la participation des résidants dans l’élaboration du tableau (la réalisation des pictogrammes) et l’aménagement du petit salon l’adhésion a été unanime. Ils ont été emballés et fiers de leurs réalisations.
Pour l’inscription au tableau à ce jour la majorité des usagers ont bien compris le fonctionnement et ils prennent leur photo pour venir s’inscrire.
De plus il me faut enrichir progressivement le lexique des pictogrammes pour désigner des activités nouvelles et planifier au mieux le déroulement de la journée.
En effet un jour une résidante a eu un rendez vous chez la diététicienne et un autre chez le coiffeur. Je lui ai proposé de manière orale mais elle ne pouvait pas s’inscrire sur le Tableau d’Activités.
Je dois donc rechercher des pictogrammes correspondants ou des photos et en faire l’apprentissage avec le groupe. Je devrai renouveler cet exercice selon les besoins afin d’optimiser l’utilisation du tableau.
Le petit salon est devenu une pièce où les résidants se rendent spontanément. Ils commencent à investir ce lieu pour se retrouver ensemble. Mais c’est encore l’éducatrice qui doit faire le lien afin que leur présence s’y prolonge.
Or ils sont dans l’attente de l’arrivée de la surveillante de nuit : ils ont besoin de savoir qui restera avec eux quand les éducateurs seront partis.
De plus les résidants sont en grande dépendance de l’éducateur pour la toilette. Et nous voulons continuer le « faire avec » plutôt que le « faire à la place de » afin de maintenir les acquis des adultes.
Cette prise en charge ne peut s’effectuer que de manière individuelle (habillage, douche, habillage,…).
Elle commence avant le dîner pour se terminer dans la soirée : le taux d’encadrement n’étant que de trois éducateurs pour 21 résidants.
Alors une personne n’est pas toujours disponible pour rester avec les adultes chaque soir dans le salon.
7- Analyse :
D’après mes constats il me paraissait nécessaire de donner aux résidants des repères spatio-temporels afin de les aider à s’adapter à leur nouveau lieu de vie.
Avec le Tableau d’Activités j’ai ainsi mieux capté leur attention et cela a influé sur leur participation aux activités.
Cependant si c’est activité intérieure (peinture, travaux manuels,..) elle ne peut pas toujours durer jusqu’au déjeuner leurs capacités de concentration ne leur permettent pas.
Il faut ensuite passer a une autre activités : écouter de la musique faire une petite promenade, discussion,…
De plus depuis la nouvelle réorganisation et le fait que deux personnes en moyenne travaillent sur le groupe il est indéniable que la prise en charge peut s’effectuer de manière différente puisque deux activités peuvent être proposées une à l’intérieur et une autre à l’extérieur. Ainsi le groupe peut être scindé et cela nous permet de mieux répondre aux besoins et aux demandes des usagers (achats personnels, aller boire un coup, aller au restaurant,…)
Afin d’accompagner les résidants dans leur adaptation il me paraissait nécessaire de les sécuriser dans leur lieu de vie et de mettre en place des repères dans les deux structures (FO et FH).
CONCLUSION
Les constats que j’ai pu effectuer depuis l’ouverture du foyer d’hébergement faisaient clairement apparaître que les résidants souffraient de la séparation de leurs parents. Les manifestations étaient nombreuses.
Et afin de favoriser leur adaptation à leur nouveau lieu et mode de vie il était impératif de les sécuriser en leur donnant des repères spatio-temporels et en leur apportant du bien être.
Les moyens que j’ai mis en œuvre (Tableau d’activités, gymnastique, et aménagement du petit salon) ont requis leur participation et l’adhésion de l’équipe.
A mon sens le travail d’équipe et en complémentarité dans une institution est nécessaire à l’accompagnement de la personne dans sa globalité.
A ce jour je peux dire que les usagers participent plus volontiers aux activités que les pleurs et les larmes ont diminuées. Mais il faut continuer cet accompagnement afin qu’ils puissent s’épanouir dans leur nouveau lieu de vie, c’est mon rôle d’éducatrice spécialisée.
CONCLUSION
Dans mon mémoire, j'ai décrit les spécificités des personnes en situation de handicap mental.
Le handicap apparaît dans l'interaction entre la déficience et la société.
De plus, la déficience mentale entraîne une difficulté à s'adapter aux exigences du milieu et à des situations nouvelles. Ce n'est pas une maladie, elle ne se guérit pas.
Les personnes prises en charge en F.O. sont déclarées "inaptes au travail" mais elles ont des potentialités qui leur permettent par des apprentissages de tendre vers plus d'autonomie.
Le travail éducatif est basé sur les capacités du sujet et non son déficit.
Les résidants ont des difficultés à s'adapter à leur nouveau lien et mode de vie. Ils souffrent de la séparation d'avec leurs familles.
Et ils le manifestent de différentes manières : refus de participer aux activités, pleurs, violence, douleurs…
Ces symptômes sont révélateurs.
Dans ma pratique professionnelle, je propose des prises en charge à chaque personne favorisant son adaptation à sa nouvelle vie, la faisant tendre vers plus d'autonomie et visant l'intégration sociale.
Ma spécificité d'éducatrice réside dans l'accompagnement des personnes , le partage des activités du quotidien.
Je crée un relation basée sur la confiance afin de la sécuriser.
Donner des repères à la personne lui permet de maîtriser l'environnement avec la structuration de l'espace et du temps. Ils évitent l'imprévu et correspondent à ses besoins. J'ai choisi d'utiliser un tableau avec des pictogrammes et des photos comme moyen de repère car ce sont des supports visuels pour l'usager.
La seconde façon de favoriser l'adaptation est d'apporter du bien-être à la personne en souffrance. Sa mise en œuvre s'établit par différents moyens. Le but étant que la personne se sente mieux, se sente bien.
Les activités proposées aux personnes doivent être variées et en adéquation avec leurs goûts et leurs préférences, leur âge et leur sexe.
La mise en œuvre d'une activité nouvelle comme la gym douce leur procure un certain bien-être. Et l'aménagement d'un salon permet aux résidants d'investir leur nouveau mode de vie,d'y passer des moments agréables. Cependant, il est nécessaire que je sois consciente de ne pas aller trop vite et de respecter le rythme de la personne dans ses apprentissages, voire même réajuster les moyens mis en place s'ils ne sont pas adaptés. Mais c'est le rôle de l'éducateur de s'adapter aux spécificités des personnes et des situations dans ses actions auprès des usagers.
Ma conception éducative est basée sur l'observation et l'écoute du sujet, car elles me paraissent primordiales avant l'élaboration de son projet individualisé si je veux qu'il soit auteur et acteur.
Ces deux moyens ne sont pas spécifiques à l'accompagnement des personnes en situation de handicap mental. Ils constituent se qui paraît être la principale ressource de l'éducateur.
Ce dernier se doit de répondre à la problématique du public.
Pour cela, il est à l'écoute de ses besoins et de ses symptômes.
Il doit tenir compte du sujet, de son environnement, des différents acteurs, de ses parents ou représentants légal dans la mise en place du projet.
L'écoute du sujet lui permet de le comprendre, de le voir avec ses potentialités, et ses difficultés, mais surtout tel qu'il est. Il ne lui appartient pas de le juger, mais au contraire de l'accepter et de faire en sorte qu'il retrouve confiance en lui.
L'éducateur est la praticien du quotidien et c'est grâce à ses moments de vie partagés avec le sujet qu'il affine son écoute et son observation. Il peut décoder ce que le sujet annonce par un geste, un cri, un rire, une parole. Le "vivre avec" permet une grande complicité des acteurs. Il va sans cesse se remettre en cause, car dans le quotidien, chaque situation est nouvelle et demande une réponse innovante est adaptée.
L'éducateur est en perpétuel questionnement et recherche.
Chaque être est unique et mérite une approche personnelle.
L'éducateur redonne la place que chaque être humain est en droit d'avoir dans la société. Il est présent afin de dynamiser son public.
L'éducateur a comme mission de favoriser l'adaptation, l'autonomie, l'intégration. Il a des connaissances en psychologie, psychanalytiques, sociologiques.
Etre à l'écoute du sujet, c'est également l'amener à accepter la vie en collectivité, avec ses joies et ses contraintes. L'institution est un cadre avec des normes et des valeurs.
L'éducateur n'est pas seul face au sujet, il s'entour d'une équipe pluridisciplinaire et peut faire appel à des partenaires. Il doit savoir travailler avec ses collègues, savoir échanger, accepter les conseils, les remises en cause… afin d'ajuster sa relation et ses actions.
Il doit être en adéquation avec le projet et le fonctionnement de l'établissement.
Celui dans lequel je travaille a mis en place des moyens pour favoriser l'adaptation des résidants : l'organisation de la prise en charge, l'éducateur référent, le PSI.
L'éducateur référent est l'interlocuteur privilégié de la famille, il va établir avec elle une relation de confiance afin de la sécuriser car elle souffre également de la séparation, renforcée parfois d'un sentiment d'abandon de son fils ou de sa fille.
Il ne doit pas non plus s'enfermer dans une relation duelle avec la personne dont il est référent car ce serait néfaste pour elle. Il doit être proche et savoir se distancer du sujet afin qu'il réalise sa propre trajectoire.
Le PSI doit être élaboré en collaboration avec l'éducateur référent et la personne accueillie afin qu'elle soit auteur et acteur de son propre projet de vie.
La finalité étant de tendre vers plus d'autonomie et de favoriser son intégration sociale. L'éducateur est donc un concepteur de projets.
Pour cela, les échanges, les soutien de toute l'équipe est important.
L'éducateur ne peut travailler seul. La complémentarité de toute une équipe favorise la réalisation des objectifs. Afin qu'il existe une pédagogie commune, l'éducateur référent doit dialoguer, échanger, respecter les autres, les décisions prises en équipe, confronter ses idées et accepter de les réajuster si nécessaire. Le soutien de l'équipe est primordial dans l'accompagnement de la personne. Quelques fois il est nécessaire d'user de diplomatie envers ses collègues. Le rôle de l'éducateur est d'être un médiateur afin d'harmoniser l'action de chacun vers un but : l'adaptation.
J'ai sensibilisé les éducateurs de FO à la problématique des personnes en situation de handicap mental en spécifiant leurs difficultés d'adaptation.
J'ai construit autour d'elles des prises en charges favorisant la sécurisation auxquelles nous devrions d'un commun accord adhérer. Le soutien de l'équipe est essentiel dans la réalisation de projets.
Mon expérience professionnelle et mes conceptions éducatives se sont affinées grâce à la formation. J'ai pris connaissance d'autres conceptions éducatives, je me les suis appropriées de manière critique.
J'ai construit mon action en tenant compte du public,de l'équipe, de mes connaissances enrichies par ma formation et des moyens donnés par l'institution.
Pour ma part, j'essaie d'amener les résidants à ce qu'ils soient le plus autonome possible tout en favorisant leur intégration sociale et leur adaptation au foyer d'hébergement.
Ce mémoire m'a permis de mettre par écrit mon travail quotidien, mes réflexions quant à l'accompagnement du public, de m'appuyer sur des théories pour affiner ma pratique professionnelle, de trouver des partenaires qui aujourd'hui nous offrent d'autres activités et nous proposent de nous associer à leurs manifestations. Il m'a permis de mieux comprendre la souffrance des résidants et de leurs parents.
Elle a été ravivé par le facteur financier qui fait fonctionner l'établissement mais qui devient une contrainte supplémentaire pour eux.
Il m'a également permis de mettre en place un projet : réunir pour séparer afin que séparer na soit plus synonyme de rupture.
Avec le recul, je pense que nous avons fait complètement abstraction du travail de mise en confiance des parents pour favoriser la séparation tant nous étions préoccupés par la gestion du quotidien à cause des moyens d'encadrement si réduits.
Mon travail ne sera donc pas figé; il faut maintenir ou établir à présent cette confiance en associant les familles à nos projets : incitation à la structure pour les fêtes, partager des moments, être à leur écoute, échanger…
Et individualiser plus encore notre accompagnement afin de répondre de manière adaptée aux demandes des personnes et aux besoins précis de chaque résidants.
mercredi 23 mai 2007
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